Entretien exclusif avec Dia Oumar président de DHDS (Diaspora Halaybé pour le Développement et la Solidarité). Une structure socioculturelle qui agit pour le développement humain durable et de solidarité. « S’enraciner pour mieux s’ouvrir, s’auto-développer et coopérer afin d’arriver à hisser l’intérêt général au-dessus de tout » sont les crédos de cette initiative commune à portée internationale…Dia Oumar au micro de LFW.
Ces narcissismes qui comptent. Sur certaines formes de théâtralité en contexte urbain: le cas de Nouakchott (1ere partie)
Nouakchott, capitale de la Mauritanie, n’a pas seulement connu ces vingt dernières années de fulgurantes transformations architecturales, elle a également été le témoin d’une mutation accélérée des habitudes de consommation et des ‘stylistiques de vie’ de ses habitants. Son ouverture au monde, rendue entre autres possible par l’introduction des nouvelles technologies de l’information, la domestication des réseaux sociaux et l’accès aux chaînes télévisées satellitaires, a en effet produit des formes dynamiques de citadinités. Si ces rapports renouvelés à la ville, les manières d’y être et d’y vivre ne sont pas propres aux Nouakchottois[1], ils revêtent cependant, souvent, des significations et figures particulières liées aux conceptions très contemporaines que les acteurs sociaux ont de ce qu’il convient d’être socialement et publiquement. Loin d’être la conséquence de supposées valeurs traditionnelles à tenir (être respectable et digne quoiqu’il arrive)[2], ces présentations de soi tirent davantage leurs ressorts explicatifs d’une modernité hybride dont la société mauritanienne n’a pas le monopole.
Ces mises en scène de la vie quotidienne[3], prenant pour cadre d’expression espaces publics et lieux divers de socialisation, sont devenues de véritables outils au service d’identités de substitution, strictes impositions d’images et récits acceptables de soi, mais également, et c’est sans doute la conséquence inattendue du jeu proposé par les acteurs, révélation de ce qui n’est pas dit, de ce qui ne peut être dit, de ce que le simulacre s’évertue à taire. Car, si le récit public qui est livré par les individus correspond à l’image plus ou moins convaincante qu’ils voudraient donner d’eux-mêmes, ce même récit, pourvu que l’on s’y intéresse, expose au grand jour un discours souterrain : celui de la complexité de situations financières personnelles dont nombre de citadins font l’expérience, et qui, paradoxalement, restent génératrices d’une frénésie consumériste et de comportements boulimiques.
S’il y a bien des fractions embourgeoisées de la population, en mesure d’assumer dans la plus grande indifférence les implications financières de tels comportements, la grande majorité des Nouakchottois, elle, ne le peut pas. Et ce n’est clairement pas le fait d’être actif professionnellement et de percevoir un salaire à chaque fin de mois qui constitue une garantie quant à une sérieuse sécurité financière.
Partant de ces observations, nous voudrions, ici, tenter une restitution modeste de quelques formes de citadinités et de ce que celles-ci disent de la relation que nombre de Nouakchottois, toutes catégories sociales confondues, entretiennent avec un environnement social qui exige d’eux la constitution presque tyrannique d’une image, d’une réputation et respectabilité sociale théâtralisées.
Il s’agit donc pour nous de rendre compte, à partir d’exemples concrets, de ces manières par lesquelles des individus, des groupes, choisissent/sont poussés à emprunter au registre du spectacle et du théâtre pour se dire en public, ‘être quelqu’un’ en public. Pour ce faire, notre texte se fonde à la fois sur la connaissance que nous avons de la capitale mauritanienne, une observation attentive des habitudes de ceux qui y résident, la consultation d’articles de presse et quelques discussions informelles avec des acteurs vivant et travaillant à Nouakchott. (A suivre)
N’DIAYE SIDI, GUEYE CHEIKH
Pour ADN