« Black Panther » Vrai ou faux héros?

This image released by Disney shows Chadwick Boseman in a scene from Marvel Studios’ « Black Panther. » (Matt Kennedy/Marvel Studios-Disney via AP)

T’Challa / Black Panther en duel avec l’enfant sacrifié du Wakanda Erik Killmonger.

Technologie secrète, très avancée dans un pays fictif africain. Les femmes, des hommes, de tout âge. Un décor résolument futuriste. L’égalité, les rituels ancestraux, spiritualités anciennes. J’ai aimé certaines choses, et d’autres restent un os dur qu’Hollywood a du mal à dépasser. Sur le coup le film est enthousiasmant, pas l’histoire, ni les personnages qu’on nous pousse ou a aimer, ou a détester, mais les rythmes dans le film, le décor, les rituels, les symboles sont très forts et prenants.

Ce qui me semble plus intéressent, c’est l’image de Dora Milaje, garde spéciale de «black panther», elle protège la famille royale, et le trône quelque soit le roi. Elle est Générale, elle dirige une armée de guerrières d’élite exclusivement féminine. Une garde féroce, qui rappelle les Minos, celle qui protégeait le roi du Dahomey, qui avait pour adage « les hommes à la maison et les femmes à la guerre ».

La princesse, et sœur du roi T’challa, mais pas que !

Une guerrière, qui a la maitrise des sciences et des technologies. Il y’a la délicieuse Nakia, amoureuse avec raison, indépendante, férocement dévouée à Wakanda. Nakia a ses convictions personnelles. «Je suis amoureuse, mais pas que, aussi royal soit celui qui fait battre mon cœur», semble dire les sublimes yeux de Nakia à ceux royaux de T’challa. Rôles que nous ne sommes pas habitués à voir incarnées par des femmes noires. Si le pouvoir est incarné par un roi, la reine mère, la fiancée, et la sœur semblent en être les gardiennes. Vigilantes, coriaces, elles couvent le pouvoir royal comme un trésor précieux.

Les cheveux, enjeu politique, et d’estime de soi.

Les cheveux sont très importants, ils montrent comment on se voit, comment les autres nous voient, dans un monde post esclavagiste, et post colonial. Dans le film, les femmes n’ont aucune pression, ni contrainte sur leurs cheveux, ils sont considérés comme beaux et ne devant être substitués par rien. Il y’a autant de coiffure que de personnages. Allant du «Nakia knot», le crâne rasé des gardes royales, aux locks de la reine mère incarné par la vertigineuse Angela Basset.

Un tournage sans défrisage, ni peigne, ni rajout, ni fer à lisser. L’un des moments les plus géniaux du film, c’est le moment où la Générale Okaya est irritée de porter une perruque lisse, comme déguisement pour sa mission secrète en Corée du sud. Perruque qu’elle balance à la première occasion. Cette scène est subtilement un rejet des cheveux lisses. Les cheveux crépus et le crâne rasé sont sublimés dans le film.

Les rituels, de la spiritualité africaine, sont ce qui captivent le plus l’attention, cela change des représentations naïves des séances de vodou, du sang, et des lamentations vaines d’un peuple vaincu, dont les Dieux restent honteusement muets. Le culte des ancêtres, est pratiqué à chaque moment de la vie du roi, et du peuple wakandais. C’est un élément fort du film, qui lui donne une dimension cosmique. Le rituel d’intronisation mène le souverain au royaume des ancêtres, pour avoir la légitimité de gouverner les vivants.

Le costume traditionnel africain est varié et, se reflète dans les représentations futuristes du film. Ils sont tous inspirés des vêtements d’ethnies d’Afrique. La couleur rouge et les cravates en perles des masaï du Kenya, les colliers d’or rappellent ceux des femmes Ndebele. On retrouve aussi des influences des peuples Dogon, Touareg, Akan et Mursi.

Mais…

Lorsque l’agent de la CIA Everett Ross se fait tiré dessus, lors de la mission de Black Panther en Corée du Sud, il est ramené à Wakanda, afin de lui sauver la vie grâce au vibranium. Il devient alors un des héros important du film, en pilotant un avion à distance pour abattre les avions envoyé par killmonger pour exporter le vibranium dans la diaspora africaine. Ils auraient pu le sauver et ensuite l’exfiltrer de wakanda inconscient, sans le mettre au secret de la technologie. On se retrouve encore avec cette tradition hollywoodienne du « sauveur blanc ». Pourtant la spécificité de Wakanda, c’est de ne jamais avoir été colonisé, et d’être le plus puissant technologiquement. Avaient-ils besoin d’être secourus par un blanc? La réponse est clairement non. Cela n’aurait rien changé au film. Ross devient le symbole visuel du «fardeau blanc». Cette présence dans le secret de Wakanda renforce l’image coloniale du noir qui a toujours besoin du blanc pour s’en sortir. C’est d’ailleurs assez contradictoire avec ce que Wakanda est censé représenter.

La représentation des afro descendants dans le film est assez désagréable, et perturbante. La relation compliquée qu’entretiennent les africains déportés avec leurs frères du continent, est exploitée de manière malsaine. Les stéréotypes des africains qui se méfient de ces frères afro américains qui ne sont plus vraiment les leurs. L’image de l’africain qui a lâchement abandonné ses enfants, est cristallisée autour des personnages du père de T’challa, l’africain et de son neveu Killmonger, le fils de la diaspora. L’enfant issu du mariage d’un africain et d’une afro-américaine comme source de conflit. Il est décrit comme un élément perturbateur à la tradition, et à la tranquillité de Wakanda. Le fils de la diaspora vu comme un usurpateur, un étranger dangereux qui fait peur à la mère patrie. Le film a réellement manqué l’opportunité d’une réconciliation symbolique, ou de poser les prémisses d’un dialogue entre l’Afrique et la diaspora. Une symbolique panafricaine.

Le film débute dans les années 90, à Oakland dans une atmosphère de pauvreté et de brutalité policière. Le père de Killmonger, le prince N’Jobu, était en mission d’espionnage en Amérique, quand il commence à remettre en question la politique d’isolement du Wakanda. Il est particulièrement touché par la situation des noires en Amérique, et projette de trahir son pays pour leurs venir en aide. Mais le roi, son frère préfère le tue pour sauvegarder le secret de son royaume. Killmonger fils d’une afro-américaine et du prince traitre arrive à wakanda, dans le but de prendre le contrôle du royaume et d’utiliser sa technologie, pour libérer la grande famille africaine opprimée à travers le monde. Il est dépeint d’une façon inhumaine, impitoyable, motivé par la rage d’exterminer les blancs et de prendre le pouvoir. Une manière détournée de stigmatiser, la notion du panafricanisme qui anime le prince N’Jobu, et son fils Killmonger.

Le film pousse plus à s’associer à T’challa et son père, les souverains Wakandais qui ont volontairement laissé l’Afrique se faire détruire, par l’esclavage, le colonialisme, puis le néocolonialisme. Quand, enfin T’challa décide de sortir son royaume de l’isolement, et de faire profiter le monde de leur technologie, il le fait aux Nations-Unies, de la terre entière y compris des oppresseurs d’autres nations. Une fois encore le film rate la coche de la sensibilisation quand à la solidarité primordiale entre peuples opprimés. Finalement le personnage de T’challa sonne comme un Mandela sans la case prison. Tandis que Killmonger est résolument un anticolonial de la trame des grands héros assassinés par la suprématie raciste.

Killmonger est définitivement le héros de cette fiction, un panafricain radical, et révolutionnaire. Un héros qui n’a pas peur de prendre le pouvoir à la suprématie blanche, à défendre les siens, comme le fut Nat Turner, Marcus Garvey, Steve Biko, et tant d’autres. La mort de killmonger et de son père est symboliquement une mise à mort de l’idéologie panafricaniste, et des luttes de libération des noirs.

Hawa Tall pour ADN

 

 

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