S’approprier l’intelligence économique : l’émigration clandestine financière

Cet article est le second d’une série dont l’objectif est de sensibiliser le public africain quant aux enjeux de l’intelligence économique. Nous traitons ici de la méconnaissance d’un phénomène (l’émigration clandestine financière) qui résulte de la faible maîtrise que nous avons de la collecte, du traitement et de la diffusion de l’information.

Selon les chiffres de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE) l’Afrique reçoit annuellement 29,5 milliards de dollars d’aide au développement. Mais en face de ces montants, accordés en grande majorité sous forme de prêts remboursables, que perd l’Afrique ?

En effet, depuis quelques années les médias classiques ont perdu le monopole de la diffusion de l’information. Ce contexte nous fait parvenir une documentation sur une autre forme d’émigration clandestine. Cette dernière n’est pas celle de ces hommes et femmes qui veulent traverser la Méditerranée au péril de leur vie, mais celles des capitaux illicites venus d’Afrique. Cette émigration clandestine financière désigne des flux financiers résultant d’opérations frauduleuses, et transférés hors du continent de manière tout aussi frauduleuse. C’est par ce biais que les multinationales payent moins d’impôts aux états africains qui leur accordent déjà d’énormes avantages fiscaux. Moins d’impôts, c’est du budget en moins pour l’éducation, la santé, la recherche, par exemple.

Les résultats de travaux de chercheurs, d’universitaires, d’organisations de la société civile, etc. foisonnent sur la toile. Ils concernent ces fuites de capitaux qui perdurent depuis des décennies, et sur lesquelles les africains sont peu renseignés. Les fonds perdus à cause de ces flux migratoires financiers sont très largement supérieurs à l’aide au développement. Selon Friederike Röder, directrice d’ONE France, chaque année ce sont 90 milliards de dollars qui sont clandestinement sortis d’Afrique.

En 2017, la Commission indépendante pour la réforme de l’impôt international sur les sociétés (Icrict) estimait que les capitaux qui « émigrent clandestinement » de l’Afrique se situent entre 40 et 80 milliards de dollars. En 2015, la fondation OSIWA (Open Society Initiative for West Africa), qui promeut la transparence et la bonne gouvernance, avait estimé que cette émigration clandestine financière avait dépouillé les 15 pays de la Communauté Economique Des Etats Afrique de l’Ouest (CEDEAO) de la bagatelle de 210 milliards de dollars entre 2002 et 2011. Pour la seule année 2011, toujours selon OSIWA, elle a coûté 18 milliards de dollars à ces 15 pays pendant qu’ils recevaient seulement 12 milliards de prêts remboursables au titre de l’aide au développement.

La faible sensibilisation des africains à ce problème illustre le niveau d’ignorance dans laquelle nous plonge la faible maîtrise de l’intelligence économique, c’est-à-dire le processus de collecte, de traitement et diffusion de l’information. Si les africains réclament un plan Marshall, la sous-information aidant, ils ignorent que l’émigration clandestine financière de leurs capitaux leur fait perdre annuellement plusieurs fois l’équivalent du plan Marshall qui n’avait coûté que 17 milliards de dollars en son temps.

La lutte contre les capitaux illicites passe par une conscientisation sur le phénomène. Travail de conscientisation qui doit être porté par les intellectuels qui doivent collecter les informations, les traiter et les diffuser à travers des articles, colloques, conférences et tout autre moyen auprès des opinions africaines et de leurs autorités.

DIALLO Mamadou,  (Plume d’Ishango) pour ADN

 

 

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