Ce qui ressort de la présence de Rihanna à Dakar, ce sont les stéréotypes sexuels sur les femmes noires, stéréotypes intériorisés aussi par les hommes noirs. Tous émerveillés de voir une femme noire acceptée par un homme puissant et occidental. On en oublierait que celui qui vient comme l’homme providentiel, n’est en réalité que le représentant de notre pire ennemi, l’occident politique.
L’image était assez forte. Macron, seul blanc entouré de Noirs, mais également seul à pouvoir approcher de près la seule femme noire présente, que tous regardaient avec envie. C’est comme si, symboliquement, lui seul possédait l’Afrique, terre de richesses et de vie, et qu’en même temps la Diaspora n’y pouvait rien.
En tant que féministe il me coûte beaucoup d’utiliser ces termes. Vous n’avez pas défendu l’Afrique, vous avez inconsciemment donné votre femme, votre fille, votre mère, votre pays, votre pouvoir à votre ennemi.Parce qu’il est un ennemi. Vous avez dépouillé vos fils, vos pères de leur héritage, et vous l’avez posé aux pieds de votre vainqueur. J’ai juste envie de crier « looser », ce que nous sommes, des « loosers ».
Vous avez fait d’une femme noire un objet sexuel et vous l’avez mise dans les bras de celui qui vous exploite. Le déchaînement de propos explicitement sexistes, misogynes, presque malsains, disent que les femmes noires ne méritent pas d’être défendues par les hommes noirs. Dès qu’il s’agit d’une femme noire et d’un homme blanc ou de pouvoir, c’est forcément sexuel.
On aurait dit que cette femme était dans le domaine public et qu’on pouvait se permettre de la posséder sexuellement par la parole. C’était quasiment un viol imaginaire, collectif. Un objet déchiqueté, piétiné, « objetisé ». Personne ne s’est dit que Rihanna n’avait peut-être aucune attirance pour Macron, aussi puissant soit-il? Personne ne s’est demandé si, au fond, c’est une personne bien, motivée par l’amour des siens, les Africains? On oublie que cette femme noire est issue d’un milieu pauvre, descendante d’esclaves, utilisée par le même système qui a razzié ses ancêtres.
Venir avec 3 milliards et repartir avec 50, on peut dire que si coucherie il y a eu ce n’est pas avec Rihanna. Il a tripoté devant vous votre femme la plus attractive, la plus vitale celle sans qui vous ne seriez pas l’Afrique. Il a entrelacé ses doigts avec ceux de votre président. Il est arrivé avec votre président vaincu, dans la symbolique ville de Saint-Louis, devant Faidherbe, celui qui a humilié, détruit, tué et dispersé vos ancêtres. Il arrive avec sa politique africaine, son éducation africaine, son planning familial africain. C’est nous que Macron a violé, c’est tout le peuple africain, passé et futur que Macron a possédé devant vous, et vous n’avez rien dit. Ce n’est peut-être pas étonnant qu’on accepte que c’est ailleurs que l’éducation de nos enfants peut se faire, qu’on accepte que la France continue de parler de politique africaine, que la France continue de nous dépouiller, et de dire qu’elle nous aide. En gros l’impérialisme nous « pisse » et affirme que c’est de l’eau tiède, pour notre bien.
La chose la plus terrible, c’est que nous soyons passés à côté de la symbolique visite de Rihanna, une femme déportée qui rentre chez elle. On aura raté “ un billet pour l’Afrique” du futur. Avant, au temps de nos vaillants pères, les enfants de nos ancêtres déportés rentraient chez nous, chez eux avec nous, et pour nous. Au temps du vrai panafricanisme Maya Angelou, Amy Ashwood et tant d’autres, rentraient à la maison dans l’intérêt et l’envie d’aider l’Afrique à chasser l’impérialisme et le colonialisme hors d’Afrique. Aujourd’hui, certains « visitent » l’Afrique comme des collabos. Quand les blancs ont débarqué en Afrique ils n’ont pas trouvé de grands enfants qu’ils pouvaient distraire avec des miroirs et des bijoux en toc, mais nous avons permis que ça arrive. Le plus amusant est qu’ils sont repartis avec les miroirs et bijoux en toc, la femme, et notre argent. Virilité, repos! Jusqu’à la prochaine stimulation collective.
Hawa Tall, Pour ADN