S’approprier l’intelligence économique

Cet article est le premier d’une série dont l’objectif est de sensibiliser le public africain quant aux enjeux de l’intelligence économique, c’est-à-dire la collecte, le traitement et à la diffusion de l’information dans la redéfinition de l’image de l’Afrique.

Deux faits divers pour se lancer:
Septembre 2015, la presse rapporte qu’un logiciel de triche aux émissions de gaz polluants est utilisé par un constructeur automobile allemand.Le logiciel permet de réduire temporairement les émissions de gaz polluants lors des contrôles anti-pollution. Les médias se font largement le relais du scandale du système de triche au contrôle antipollution du constructeur allemand aux États-Unis. « L’affaire Volkswagen provoque une onde de choc en Allemagne » ».
Face au scandale des voitures allemandes , un officiel allemand, Alexander Dobrindt,  ministre des Transports,   dira dans  les colonnes du quotidien Bild. : « La réputation des voitures « made in Germany »  est menacée , et c’est quelque chose qui est terrible… »
Octobre 2016, la presse en ligne annonce le braquage de l’hôtel d’une star américaine de la télé réalité à Paris. «L’agression s’est déroulée vers 2 h 30 du matin. Cinq hommes armés ont fait irruption au 7 rue Tronchet, dans une résidence de luxe du VIIIe arrondissement de Paris, à deux pas de La Madeleine. Sous la menace d’une arme, ils ont menotté le veilleur de nuit avant de lui ordonner de les conduire et de se faire ouvrir la porte de la chambre de la star, tandis que trois des malfaiteurs sont restés à l’entrée de l’immeuble pour faire le guet. Kim Kardashian a été menacée avec une arme sur la tempe. La star a ensuite été ligotée (mains et pieds scotchés) et enfermée dans la salle de bains pendant que les malfrats dérobaient deux téléphones portables et de nombreux bijoux dans un coffret. CNEWS précise également qu’un portefeuille et 1 000 dollars en liquide ont été volés. La valeur des bijoux serait évaluée à au moins 9 millions d’euros, dont une bague estimée à 4 millions d’euros. »
Face à l’agression de Kim Kardashian voilà, la réaction de la Maire de Paris : « Dans un contexte touristique compliqué, alors que la relance de la fréquentation doit être la priorité de tous, utiliser ce fait divers à des fins de polémique reviendrait à porter directement atteinte au secteur du tourisme et aux 500.000 emplois qu’il représente en Ile-de-France ».
Mme Hidalgo fait ainsi référence à des déclarations, un peu plus tôt sur Europe 1, de Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate à la primaire de la droite et conseillère du parti « Les Républicains » de Paris, qui avait estimé que ce braquage démontrait l' »urgence générale » à améliorer la sécurité dans la capitale.
Où voulons-nous en venir ?
Ces deux faits divers semblent à première vue ne pas avoir de liens, encore moins un intérêt particulier à être analysé. Mais, nous verrons que dans les deux cas, les officiels allemands et français sont montés au créneau afin de préserver une image commerciale, une image de marque.
En effet, l’industrie automobile allemande véhicule une image de fiabilité et de sérieux qui fait son succès commercial à travers le monde. Ainsi, elle représente l’un des principaux postes d’exportation de l’Allemagne et emploie 800 000 personnes. La ville de Paris véhicule une image de sécurité et de romantisme à travers le monde. Conséquence directe de cette image de marque : l’Ile-de-France a enregistré 31 millions d’arrivées hôtelières en 2016 et reste l’une des premières destinations touristique dans le monde.
Ces deux faits divers et les réactions des officiels allemands et français montrent l’importance de préserver l’image de marque et la réputation, que ce soit pour un secteur économique, une ville, un pays, une organisation, etc. Ces réactions montrent également une compréhension des conséquences dramatiques (baisse des ventes d’automobiles, baisse du nombre de touristes) qui peuvent découler d’une dégradation de l’image dans les deux exemples précités.
Quelles leçons en tirer pour nous Africains ?
Le lien entre une dégradation de l’image d’une part et des conséquences telles des pertes d’emplois dans le secteur automobile et touristique n’est pas facile à appréhender, à moins d’avoir des notions en intelligence économique. Mais, nous autres, membres de la diaspora, savons comment est ancré dans les esprits une image dégradée de l’Afrique. Quand vous cherchez un logement cette image vous rattrape, quand vous cherchez un emploi/stage cette image vous rattrape, dans n’importe quelle assemblée l’Afrique est systématiquement désignée pour illustrer les exemples les plus catastrophiques. Ces clichés sur fond d’ignorance et d’inculture s’expriment parfois sur un ton moqueur et condescendant, comme c’est le cas dans cette vidéo

C’est d’ailleurs au vu de ce vécu que le rappeur sénégalais Akon, qui a été confronté à ces réalités, a produit lors du Youth Africa Summit 2017 à Kigali une analyse très fine sur l’urgence de redéfinir l’image de l’Afrique
Quelles pistes d’actions s’offrent à nous ?
Si nous ne disposons pas de grandes chaines médiatiques (faute de vision de nos dirigeants) pour gérer notre image dans le monde, nous sommes par contre à l’ère des réseaux sociaux. Désormais, chacun d’entre nous est un média et peut participer à diffuser une image de l’Afrique autre que celle mise en avant par les médias classiques. Certes, cela ne nous donnera pas un emploi, certes cela ne payera pas notre loyer, etc. Mais, sachons garder à l’esprit qu’avant nous d’autres se sont sacrifiés en posant des actes qui font que nous jouissons de beaucoup de choses. Ces personnalités n’ont pas pu jouir des résultats de leur engagement et de leurs sacrifices, par contre nous en jouissons. Dans la même dynamique nous devons à notre tour poser des actes dont nous ne jouiront peut-être pas, mais dont les générations futures jouiront.
Diallo Mamadou
Editorialiste, pour ADN

 

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