« Les traditions africaines donnent une place importe à la femme, c’est la mère, la sœur, la femme, la fille… Nous les hommes sont rien sans les femmes… » Le problème, il est là! La femme est toujours définie par rapport aux hommes. Mais au fond à quoi rêvent et se disputent les féministes africains?
Quand on parle de théories, il serait plus correct de parler de féministes africains que de féminisme africain. Parce que les africaines ne sont pas toutes d’accord avec la manière de se définir et de ce qu’elles mettent en priorité. Elles se revendiquent indépendantes du concept féministe occidental, et ont comme référence la réalité culturelle africaine, et ses diasporas. Les femmes rurales, urbaines, de toutes les classes sociales, sont prises en compte dans la lutte.
En Afrique comme dans le reste du monde, la femme a toujours eu une place moins importante que l’homme, malgré les tentatives d’idéalisation de l’Afrique ante-coloniale dans certains milieux afro-centristes. Il est très difficiles de déterminer à partir de quel moment de l’histoire, la femme fut désavantagée et ceci quelque soit sa race, son ethnie, ou sa classe sociale. Le féminisme africain traite le plus souvent la manière dont le patriarcat utilise la loi, les traditions, la violence, les rituels, les coutumes, l’éducation, la langue, les proverbes etc, pour valoriser l’homme et discriminer la femme. Et comment les hommes dominent dans la vie publique et la vie privée.
Une réflexion particulière est portée sur le type de société qui pourrait naître dans un système non patriarcal, et à qui incombe la responsabilité de ce genre d’initiatives. Les théories féministes africaines ne traitent pas seulement de la relation homme-femme, mais aussi d’autres facteurs, comme la hiérarchie raciale, et comment cette discrimination affecte particulièrement la femme noire. Elles sont conscientes de la façon dont la domination et le racisme a considérable détérioré les relations entre les hommes et les femmes du continent et de la diaspora. Le féminisme africain cherche aussi à déconstruire le conditionnement qui lie l’Afrique au colonisateur, en traitant la question du sexisme comme en partie résultant du traumatisme de la racialisation.
Il est très difficile de parler de domination masculine, et de la résistance des femmes dans les traditions africaines. La vérité est que le féminisme est endogène à l’Afrique, parce que la domination masculine y’a toujours existée. Les traditions patriarcales hiérarchisent l’homme et la femme, toujours en défaveurs de cette dernière. La déshumanisante pratique de la polygamie, les violences sur les veuves, les mutilations génitales, la chasse aux sorcières, l’impossibilité d’accéder à la propriété privée, et au pouvoir dans les sociétés traditionnelles en sont les manifestations.
La femme africaine féministe ne cherche pas à rompre avec la société traditionnelle, elle est source de mémoire culturelle, un riche patrimoine de connaissances et de spiritualité. Le but, c’est plutôt d’infuser aux traditions des vertus de justice, et d’équité pour assainir les relations hommes-femmes dans une société en pleine mutation.
Les théoriciennes féministes tiennent compte du fait que la pauvreté du Sud est structurellement liée à la richesse du Nord. Les agressions de l’Occident sur l’Afrique depuis des siècles sont responsables de l’état de délabrements des sociétés africaines. Les ONG, les dettes odieuses, ont un effet sur le système sanitaire et éducatif, les femmes et les enfants en sont les principales victimes.
Le néocolonialisme entrave les capacités des sociétés africaines à développer leurs agricultures, les échanges intracontinentales, les savoirs indigènes et les perspectives philosophiques bénéfiques qui pourraient en découler. Le manque d’accès à la connaissance empêche les africains de connaitre leurs propres histoires, ce qui les amènent à penser que les revendications d’égalité des sexes et l’homosexualité sont étrangères à l’Afrique.
Les femmes sont plus encore affectées par la pauvreté. Comme disait Sankara, les femmes sont dépendantes de la dépendance. Le féminisme africain essaye de mettre en lumière comment l’hégémonie des puissances étrangères impacte la vie des africains. Elles cherchent à créer des institutions sociales qui permettent de résister, et encourager la réflexion sur la manière dont la domination les met les uns contre les autres, et des voies de libération, et de dialogues possibles.
La sexualité est une question centrale dans le combat féministe africain. Dissocier la domination sexuelle et du plaisir sexuel, interroger la façon dont les corps des femmes sont instrumentalisés dans les conflits, et les blessures liés à histoire de la domination étrangère. Comment traiter psychologiquement la souffrance des femmes après les viols, les stigmatisations de ces femmes dans la société. Le féminisme lutte contre l’état d’esprit qui refuse aux femmes le droit de disposer librement de leur corps, et s’efforce d’éliminer l’arrogance et l’impérialisme, du féminisme occidental. Elles créent de nouvelles traditions intellectuelles en dehors de l’histoire académique blanche et masculine, en gros décoloniser et dépatriarchiser les esprits et le savoir.
Le féminisme africain est nourri de l’idée que l’amour et la justice sont complémentaires à la révolution et aux changements. La pensée féministe africaine se préoccupe de la guérison, de la réconciliation, de comment construire une société africaine juste et égalitaire, tant raciale, sexuelle, spirituelle, psychologique, que sociale. Une société moins portée a développé des structures agressives et discriminantes. Plus d’espace d’expression artistique, et de réalisation de soi, de pensées progressistes, non seulement cérébrales, mais aussi viscérales et expressives.
Hawa Tall, Pour ADN