Dissiper l’équivoque du plan Marshall

«Il faut un plan Marshall pour l’Afrique ! » Voilà une des phrases fétiches de certains intellectuels africains. Ces derniers entendent par là que le développement de l’Afrique passera par l’altruisme des pays occidentaux. Pour les adeptes de cette utopie, des pays occidentaux débloqueront des milliards de dollars pour, selon leurs termes : « développer l’Afrique ».

Crédulité ? Paresse intellectuelle ? Ou les deux à la fois ? Il est certain que beaucoup utilisent le terme  plan  Marshall  sans pour autant comprendre ses tenants et aboutissants. Ainsi, nous avons pensé qu’il serait temps de dissiper les équivoques du plan Marshall.

Le contexte du plan Marshall

Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe était un vaste champ de ruines avec un bilan macabre de 80 millions de morts. Il y a là le résultat d’une boucherie humaine unique en son genre dans toute l’histoire de l’humanité. Néanmoins, la capitulation de l’Allemagne nazie laissait poindre une autre source de conflits sur le continent européen : l’avancée du communisme. C’est dans ce contexte bien particulier qu’émergea un programme américain pour la reconstruction de l’Europe : le plan Marshall.

En effet, si l’objectif officiel était de « reconstruire l’Europe », l’objectif véritable fut d’éviter que la misère de l’après-guerre ne soit  un terreau fertile pour le communisme dans les pays d’Europe occidentale. Et qui dit  progression du communisme  dit  pays soustraits  à l’économie de marché. Cette situation aurait été très préjudiciable à l’économie américaine qui avait besoin de marchés pour ses exportations. D’ailleurs, le plan sera adopté le 3 avril 1948, dans la précipitation, après le basculement de la Tchécoslovaquie dans le giron soviétique – entendez le communisme. C’est ainsi que 16,5 milliards de dollars (équivalant à 180 milliards aujourd’hui) furent débloqués en faveur de 16 pays européens.  Mais à quelles conditions ?

Les conditions du plan Marshall

Les milliards débloqués n’étaient nullement des dons, mais comportaient des contreparties drastiques. Il s’agissait d’un prêt que les 16 pays devaient rembourser (avec des intérêts !) aux USA, tout en important massivement des États-Unis des produits industriels (machines agricoles motorisées, outillage, charbon, etc.) et agricoles (blés, maïs hybrides, tabac…). Les Américains firent ainsi d’une pierre deux coups. D’abord, les exportations dopèrent leur économie, car les entreprises américaines firent des plus-values colossales grâce à la reconstruction européenne. Ensuite, les crédits accordés produisirent autant de plus-values avec les intérêts payés par les États européens bénéficiaires.

Jusque-là, nous ne voyons pas l’ombre d’une seule forme d’altruisme ou d’actes de bienfaisance comme le pensent ces Africains qui demandent un plan Marshall pour l’Afrique.

Qu’est-ce que les Africains doivent comprendre par là ?

D’abord, il est essentiel de comprendre que ce plan n’avait rien d’altruiste, comme démontré ci-dessus. Cette précision est importante, car ce concept utilisé par bon nombre d’Africains laisse entrevoir une forme de crédulité qui leur fait penser que l’altruisme existe en ce bas monde, pire encore, dans les relations internationales. Le plan Marshall n’avait d’autres objectifs que d’endiguer l’avancée du communisme en Europe, et même cette stratégie d’endiguement fut pensée de manière à produire des plus-values financières pour l’économie américaine. Au travers de l’aide financière, les Américains ont gagné à court terme, car ils ont récolté des intérêts considérables et les importations européennes ont dopé leur économie. Et dans le long terme, tous les pays qui furent reconstruits grâce au plan Marshall accueillirent de nombreuses filiales d’entreprises américaines.

Donc, les contextes étant complètement différents, un plan Marshall pour l’Afrique n’arrivera jamais. D’autant que la faiblesse des économies africaines contribue à la prospérité de tous ces pays desquels les Africains attendent le salut. Par exemple, à cause de la faiblesse des États africains, nos administrations sont incapables d’assurer le contrôle des activités des multinationales. Les conséquences directes sont les suivantes :

  • les multinationales orchestrent une évasion fiscale qui fait perdre annuellement près de 90 milliards de dollars aux États africains ;
  • les États africains, étant tout le temps dans l’urgence de trouver des fonds, sont obligés de céder leurs matières premières à vils prix, autrement dit, aux prix qu’on leur impose. Car ils n’ont aucune marge de manœuvre pour négocier des prix justes.

Donc, pour rien au monde il n’y aura de plan Marshall pour l’Afrique et la croyance à son éventualité dénote une naïveté et une crédulité désespérantes de nos intellectuels. Ces derniers adorent utiliser des concepts par snobisme sans jamais les comprendre réellement.

 

Diallo Mamadou, La plume d’Ishango pour ADN

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *