Il a amorcé une révolution : John Magafuli
John Magafuli, Tanzanie, Acacia Mining, Barrick Gold : ces mots ne vous disent sûrement pas grand-chose. Mais ils évoquent une véritable révolution qui est en train de se produire sous le ciel africain.En effet, arrivé au pouvoir en Tanzanie le 5 novembre 2015, John Magafuli, donne le ton en lançant une politique d’assainissement du secteur minier.
A part les safaris et les Massaï !
Alors bien sûr, les images que nous avons de la Tanzanie sont plutôt celles des Massaï et des safaris et pourtant, voilà un pays très riche en ressources minières. Il est le quatrième producteur d’or en Afrique, dispose d’importantes réserves de diamants, de pierres précieuses et de minerais divers. Autant de ressources qui ne contribuent qu’à hauteur de 3% au PIB du pays alors qu’elles occupent 25% des exportations. Les multinationales, sous prétexte d’apporter les capitaux et l’expertise nécessaires à l’exploitation minière, captent presque toute la valeur ajoutée.
Pour corriger cette aberration, le gouvernement de Magafuli vote un nouveau cadre réglementaire qui interdit l’exportation de minerais bruts. Cela consacre la révision du régime fiscal et réglementaire du secteur minier. L’objectif est de permettre la création d’emplois locaux grâce à l’essor d’une filière industrielle nationale de transformation des minerais.
Les audits de la discorde !
Des audits d’envergures sont aussi menés. L’État tanzanien suspend l’octroi de toute licence et examine méticuleusement les licences déjà octroyées. Lors de la réception d’un rapport d’audit qui a mis à nu les pratiques des multinationales qui usent de tous les subterfuges pour faire de la fraude fiscale, le Président Magafuli a tenu les propos suivants : « Même le diable se moque de nous. Dieu nous a donné des minerais, plusieurs richesses naturelles et nous restons pauvres, pendant que les autres s’enrichissent à nos dépens. Nous ne pouvons pas continuer comme cela. ».
Dans la foulée, Acacia Mining, filiale du géant canadien Barrick Gold, leader mondial de l’or, se retrouve en redressement fiscal pour un montant record de 190 milliards de dollars. Dans cette facture, sont compris 40 milliards de dollars d’impôts impayés sur des exportations dissimulées. Des fonctionnaires tanzaniens, dont le ministre des mines Sospeter Muhongo, sont limogés. Selon le rapport d’audit, Acacia disposait de 10 fois plus d’or dans ses conteneurs que le volume déclaré, ainsi que des minerais non déclarés comme le fer et le soufre. Ainsi, le gouvernement tanzanien s’attaque à l’hydre de la fraude fiscale des multinationales en Afrique. Une délinquance financière qui déleste le continent africain de 90 milliards de dollars en moyenne par an, soit 3 fois le montant de l’aide au développement qui n’est que de 29,5 milliards de dollars.
Une multinationale en position de faiblesse
Le bras de fer, très légitime, engagé par le gouvernement tanzanien commence à donner des résultats très concrets. Car, dans une position très inconfortable, suite à la saisie de conteneurs de minerais sous-évaluée à hauteur de 50%, Barrick Gold a annoncé qu’Acacia Mining, sa filiale en Tanzanie, acceptait de payer 300 millions d’euros au gouvernement. Aussi, la multinationale accepte de verser 50% des bénéfices issus de ses opérations minières en Tanzanie. En guise de comparaison, les autres pays africains doivent se contenter de royalties comprises entre 5 et 12%. Grâce à cette croisade, l’État tanzanien a obtenu la présence de représentants de l’État au conseil d’administration de l’entreprise et les contrats précaires des Tanzaniens travaillant dans toutes les mines seraient revalorisés en contrats de travail permanents. Aussi, Acacia Mining sera dans l’obligation de conserver toutes les liquidités générées par ses mines dans des comptes à l’intérieur du pays.
Quelle leçon pour l’Afrique ?
Il y a là un véritable « cas d’école » pour tous les États africains dont les richesses minières n’ont quasiment aucun impact sur leur PIB. Malheureusement, cette « révolution tanzanienne » attire peu l’attention des médias africains et des intellectuels du continent. Pourtant, sa médiatisation participerait à une prise de conscience des autorités et des opinions publiques africaines qu’il n’y a aucune fatalité à subir le marché de dupe dont les africains sont victimes quant à l’exploitation de leurs richesses naturelles.
Diallo Mamadou,
La Plume d’ishango, pour ADN.