L’art équestre africain : le patrimoine immatériel oublié

 

Les facettes les plus connues des civilisations africaines sont souvent celles qui sont mises en avant par les occidentaux. Raison pour laquelle les masques, sculptures, chants et danses  vous seront bien plus familiers à force d’expositions médiatiques. L’art équestre africain ne jouit pas de cette même notoriété, ce qui motive l’objet de cet article.

Un petit tour sur Wikipédia

Pour vous en convaincre, il nous a suffi d’aller vérifier sur la célèbre encyclopédie en ligne www.wikipédia.org.
Dans un premier temps nous avons tapé le mot « Masque ». L’Afrique est aux premières loges notamment quand il s’agit de masque rituel. Il y’a là une expression de l’imaginaire occidental où le « masque africain » est très présent.
              

Dans un second temps, nous avons tapé le mot « cheval » toujours sur www.wikipédia.org pour constater l’absence de l’Afrique dans la liste des civilisations ayant une culture équestre.

 

 

 

 

 

Cependant, si le patrimoine équestre africain  n’est  pas  aussi connu que les masques, les chants et les danses, cela ne signifie nullement qu’il n’existe pas.  

 

Le cheval dans les représentations africaines

Certaines civilisations africaines, notamment en Afrique de l’ouest, ont développé des cultures équestres multiséculaires.  Comme ailleurs dans le monde, le cheval est associé à des signes de noblesse, de richesse, de puissance militaire  et de prestige. L’animal fait souvent l’objet de représentations récurrentes dans certaines cultures.

Sculpture yoruba représentant un cavalier et son cheval. (Sud du Nigéria)

 

 

Représentation de cavaliers dans l’art dogon (Mali)

 

 

 

 

Le cheval est une source intarissable d’inspiration artistique et des festivités lui sont dédiées depuis des siècles.  La passion, la puissance et l’amour  sont associés au cheval chez bien des civilisations africaines.

 

Le cheval  dans la mythologie africaine

On ne peut parler de cheval dans la mythologie africaine sans penser à la culture mossi du Burkina Faso. La mythologie qui fonde cette culture tourne tellement autour du cheval que des hommes et des femmes portent un patronyme dit « Ouedraogo », signifiant littéralement « cheval mâle ».

Le lien sacré  des Mossi du Burkina Faso avec le cheval prend sa source dans l’histoire de la princesse Yennenga.  Le patronyme en question renvoie à l’histoire de la  princesse Yennenga dont le père (le roi d’un royaume situé dans l’actuelle république du Ghana) ne voulait qu’elle se marie. Dans sa fugue pour trouver l’âme sœur,  elle se laissa guider par son cheval à travers la brousse et rencontra un chasseur d’éléphant. De leur union naitra un enfant qu’ils nommèrent Ouédraogo signifiant « cheval mâle ». Devenu grand, Ouédraogo, s’installa  dans la région de l’Oubritenga, actuel Ouagadougou. Il est l’ancêtre des Mossi et voilà pourquoi autant de burkinabés portent le patronyme « Ouedraogo ». Toujours dans cet esprit, le trophée décerné au lauréat du Festival Panafricain du Cinéma de Ouagadougou (FESPACO) porte le nom de l’Etalon d’Or de Yennenga, faisant écho à cette légende.

Trophée du FESPACO : Etalon de Yennenga

 

De toutes les cavaleries africaines, celle de l’empire du Bournou (à cheval entre les actuelles Républiques  du Nigéria, du Cameroun, du Niger et  du Tchad) est celle qui s’est la mieux maintenue depuis l’Afrique médiévale.  Elle a fait l’objet de nombreuses représentations à travers des photographies d’époque et des timbres fiscaux.

Timbre imprimé au Nigéria en 1946 représentant des cavaliers du Bournou

 

Photo d’époque des cavaliers du Bournou

 

Parade de cavaliers du Bournou

 

Patrimoine équestre au Nigéria

Le Durbar est  une parade organisée depuis plus de 500 ans, dans les grandes villes du nord du Nigeria, deux fois par an : une première fois lors de la fin du ramadan et une seconde au cours de la célébration de l’Aïd al-Adha, la plus importante fête de l’Islam. Elle est également organisée à l’occasion des visites de hauts dignitaires ou de l’installation d’un nouvel émir.

Parade équestre à Sokoto (Nigéria)

 

Parade de cavalières (Nord du Nigéria)

 

 

 

 

 

Patrimoine équestre au Bénin

Au nord du Bénin, le cheval occupe une place capitale dans le déroulement de toute cérémonie culturelle. Dans cette culture, le cavalier considère le cheval comme sa première femme, tellement le cheval tient une place prépondérante dans les traditions locales. Lors des fêtes se tient un spectacle équestre unique en son genre. Les cavaliers richement vêtus enfourchent des chevaux et s’élancent dans une arène à tour de rôle. Une fois le signal donné, le cheval se met en mouvement, danse, saute, se cabre au son des tambours comme dans la vidéo ci-dessous.

Une course à cheval dite maasoru est un jeu consistant à faire un aller et retour entre deux points. Ce jeu se pratiquerait depuis l’existence de la fête de Gaani qui remonterait au 13e siècle. Le Gaani est une fête identitaire qui rassemble non seulement des peuples ayant une même expression culturelle et linguistique, mais aussi ceux ayant un destin commun. 

Les cavaleries contemporaines

Des pays africains ont su développer des cavaleries pour assurer la continuité de ce patrimoine immatériel africain dont la richesse et le caractère multiséculaire tranchent avec l’ignorance de son existence.

Défilé de la garde présidentielle (Sénégal).

 

 

Cavalerie présidentielle au Nigéria

 

 

 

 

 

 

 

 

Le sujet de la préservation du patrimoine équestre africain est peu ou pas du tout abordé car la méconnaissance de cette richesse culturelle fait qu’il ne figure dans aucun agenda culturel sur le continent.

N’y a t-il pas d’autres priorités ?

En évoquant ce sujet, nous sommes conscients de cette question que les « simples d’esprits » ne manqueront pas de poser. Nous aimons souvent nous extasier devant les chiffres mirobolants de ces pays dont le secteur du tourisme attirent des millions de touristes, générant des milliers d’emplois et des milliards de dollars de chiffre d’affaires.  Mais, de manière générale, nous avons beaucoup de mal à appréhender l’ampleur du travail effectué en amont  avant d’avoir de tels résultats.

En effet, à travers la valorisation du patrimoine équestre, comme bien d’autres patrimoines culturels d’ailleurs, les pays d’Ouest comme ceux de l’Est de l’Afrique à l’instar du  Rwanda , pourront augmenter les revenus issus du tourisme qui seront par la suite réinvestis dans leur  économie et leur développement. Aussi, la valorisation de ce patrimoine équestre permettra aux Africains de connaitre des pans entiers de leur histoire et de leur culture.

DIALLO Mamadou, 

La plume d’Ishango, pour ADN

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