Nomination d’une présidente en Éthiopie: est-ce (vraiment) une première ?
Les parlementaires éthiopiens ont désigné jeudi 25 octobre, à l’unanimité et pour la première fois, une femme, Sahle-WorkZewde, comme présidente du pays.
Le traitement qui est fait de cette information laisse penser que l’Éthiopie vient de faire un grand bond en avant en matière de progressisme. Est-ce vraiment une première ? Eh bien non, et c’est l’occasion de découvrir qu’au XIXe siècle a vécu une cheffe d’État éthiopienne qui fut la cheville ouvrière de la lutte contre l’invasion coloniale : Taytu Betul.
Derrière l’intransigeance de Ménélik II, il y avait Taytu Betul
L’échec de l’invasion coloniale italienne en Éthiopie est souvent attribué à Ménélik II. Mais la cheville ouvrière en fut réellement l’impératrice Taytu Betul qui poussa son mari à se méfier des ambitions impérialistes italiennes. L’impératrice Taytu se méfiait des négociations de Ménélik avec les Italiens et restait sur ses gardes, percevant la menace qu’ils représentaient pour la souveraineté éthiopienne. En 1890, après la découverte de la supercherie du traité de Wuchale elle adresse une lettre à l’ambassadeur d’Italie, dans laquelle elle s’exprime en ces termes : « Vous voudriez faire passer l’Éthiopie pour votre protectorat, mais il n’en sera jamais ainsi ». Elle avait maintenu une pression constante sur son mari et ce, pendant toute la durée de la campagne militaire italienne (de 1884 à 1896) pour envahir l’Ethiopie.
Taytu BETUL : stratège militaire à Makalle
Le 11 octobre 1895, l’impératrice et son mari (l’empereur Ménélik II) déclenchèrent une offensive contre les troupes italiennes avec une armée de 100 000 hommes qui, les conduira vers la forteresse italienne de Makalle. TaytuBetul évita une erreur commise par beaucoup de résistants africains : celle de lancer l’assaut frontal contre une fortification tenue par une armée coloniale dotée de canons.
Elle comprit que tout assaut causerait beaucoup de pertes éthiopiennes, qui compromettraient le moral des troupes et réduirait le nombre d’hommes disponibles pour poursuivre les batailles à venir. C’est ainsi qu’elle conçut un plan très ingénieux consistant à établir un blocus autour de la fortification. Toutes les routes d’approvisionnement qui permettaient de ravitailler les Italiens furent bloquées et la forteresse se transforma en prison. Tenaillés par la faim et la soif les soldats italiens finirent par se rendre sans combat.
Derrière la victoire, le système de logistique et de renseignement de Taytu BETUL
Le 1er mars 1896, dans une plaine près du village d’Adoua, les soldats italiens du général Baratieri étaient décimés par les troupes du roi éthiopien Ménélik II : ils laissaient sur le terrain le chiffre faramineux de 6000 morts et subissaient une défaite aussi sanglante qu’humiliante. Pendant cette bataille qui mit un terme à 12 ans d’agressions coloniales, Taytu Betul participa activement aux affrontements, durant lesquels elle dirigeait une unité de 5000 soldats et de 600 cavaliers. Elle assura aussi l’approvisionnement en eau des soldats soumis à rude épreuve ainsi que les soins prodigués aux soldats blessés. En plus de cette logistique, elle mit également en place un puissant dispositif de renseignement militaire. Cela permit à Ménélik, de comprendre qu’il valait mieux engager la bataille sur le site d’Adoua et non sur celui d’Adigrat. Sur ce dernier site, les italiens disposaient d’une fortification militaire avec des voies d’approvisionnement bien protégées, et avaient tiré toutes les leçons de Makalle.
Dans les études portant sur les facteurs de la défaite italienne, les historiens conclurent dans leur grande majorité que ce dispositif de renseignement piloté par Taytu BETUL fut particulièrement décisif. Car, il avait permis à Ménélik de choisir le site d’Adoua, une plaine ouverte où les italiens n’avaient aucune fortification derrière laquelle se retrancher.
TaytuBetul : mère de l’Éthiopie contemporaine
Elle fonda Addis-Abeba, aujourd’hui capitale de l’Éthiopie et siège de l’Union Africaine. Elle impulsa le processus de modernisation de son pays qui l’ouvrit progressivement l’Éthiopie aux échanges commerciaux et à l’acquisition de savoir-faire techniques.
DIALLO MAMADOU,
La Plume d’Ishango pour ADN