Panafricanisme et éveil des consciences : « La Mauritanie d’abord ! »

UNE TRIBUNE DE MANSOUR LY

« Être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaines ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres ». Nelson Mandela.

Construit sur un paradoxe entre archaïsme tribal et une ouverture vers le progrès, la Mauritanie au lendemain des indépendances, malgré un démarrage difficile, avait posé les jalons d’un Etat démocratique et social calqué sur notre diversité culturelle.

Au début des années 80, à l’instar de nombreux pays d’Afrique, la Mauritanie a connu la malédiction des coups d’Etat militaires, s’ajoutant à un contexte économique international difficile, notamment avec le poids de la dette extérieure combiné aux plans d’ajustements structurels imposés par les institutions internationales. Aucune vision concrète ne s’est pointée à l’horizon pour limiter la déliquescence annoncée de notre économie. Pendant ce temps, le monde rural était abandonné à lui-même dans sa propre agonie : manque d’infrastructures dans le domaine de l’agriculture, les stratégies imaginées à l’époque pour sauver les populations du Sud comme ceux du Nord se révèlent impuissantes et contraignent la majorité à l’exil.

Face à ce désastre, nous notons un manque de programme d’aide d’urgence pour sortir ces populations de cette situation catastrophique. A cela s’ajoute la disparition progressive du secteur de l’élevage à cause d’un manque de politique adaptée à long terme avec comme corollaire la décimation de notre cheptel.

Il est impératif de repenser nos mécanismes de gouvernance pour trouver une alternative crédible à cette politique du fatalisme qui n’a pour conséquence que d’accentuer la misère, la pauvreté et le désespoir qui aujourd’hui, font le lit des extrémismes de tout bord. Des mesures courageuses doivent par conséquent être prises à tous les niveaux afin de renverser la tendance actuelle, d’instaurer l’équité et d’assurer la paix et la sécurité dans notre pays.

En réalité, toute cette élite politico-militaire qui a dirigé la Mauritanie a une responsabilité plus ou moins grande dans la faillite de notre modèle de développement.

Notre pays a des ressources humaines de qualité aussi bien à l’intérieur que dans la diaspora. Aux postes de décision ont toutefois toujours été placés des politiciens dont le seul mérite est la capacité d’user d’intrigues et de clientélisme pour s’accaparer de sinécures et privilèges.

Va-t-on continuer à user de ce logiciel obsolète ? Nous avons tous les atouts mais n’en usons d’aucun pour construire le progrès. Est-il besoin d’être averti pour constater notre échec collectif ? Quelles alternatives à la faillite de cette élite dirigeante ? Parti sur la même ligne de départ que d’autres pays africains au lendemain des indépendances, nous sommes comparativement aujourd’hui les derniers du peloton. Pour avoir des modèles de réussite, ne cherchons pas loin, juste à côté de chez nous. Regardons des pays comme le Rwanda, l’Ethiopie et la Tanzanie. L’exploit de ces pays force le respect aujourd’hui partout en Afrique et dans le monde grâce au leadership de leurs dirigeants. Ils ont su mettre tout un peuple au travail, en montrant eux-mêmes l’exemple à suivre.

Pendant ce temps, notre pays se trouve dans une impasse, alors que nous vivons une crise sociale et politique inédite. Tous les signaux sont au rouge. Notre système de santé est en lambeau. Combien de Mauritaniens ont-ils périt à cause de l’irresponsabilité de ce régime incapable de doter notre pays d’infrastructures sanitaires de qualités capables d’accueillir et de soigner nos malades.

Une jeunesse sacrifiée à l’autel de la cupidité

La jeunesse est laissée en rade, sans qualification ni formation, qui ne saurait compter sur un système éducatif sous perfusion pour trouver sa voie. L’enseignement public, victime d’un délaissement progressif des autorités politiques à travers une stratégie savamment planifiée avec une libéralisation à outrance du système scolaire, devenu une formidable machine à exclure, notamment, les enfants des plus pauvres. Ainsi, une partie de notre jeunesse vit dans l’oisiveté totale, sans aucune prise en charge. Cela représente une véritable bombe à retardement qui pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l’avenir de notre pays. Les socles de notre vivre ensemble se trouvent aujourd’hui fragilisés par une politique archaïque et tribale marquée par une volonté politique forte de notre élite dirigeante de compartimenter notre pays, en créant des citoyens de secondes zones.

En effet, l’exclusion d’une frange de la population est perceptible dans tous les niveaux de la structure étatique. Cette politique émane d’une idéologie basée sur une stratégie cruelle laquelle est portée par des nationalistes négationnistes. Elle consiste à privilégier une tribu, en l’occurrence celle du chef. Il n’en demeure pas moins que le poids de l’influence tribale continu à peser sur le système politique. Ce qui laisse entrevoir une situation de chaos imminent si on n’y prend pas garde. Cette influence tribale et religieuse devrait être un atout, un bouclier contre les dérives du système. Malheureusement, elle se retrouve à valider les forfaitures des politiques. C’est comme si on assistait à une nouvelle alliance entre les tribus et le politique, où les deux partis s’autorisent tous les excès au détriment des citoyens qui ne savent plus à quel saint se vouer.

Une élite insouciante et individualiste

Notre élite dirigeante a toujours été au cœur de la division entre les différentes communautés en pratiquant une politique d’exclusion. Au point que nous sommes pris en otage par cette élite, dont il est grand temps de se débarrasser. Il est surtout temps de faire notre propre introspection, de repenser notre vivre ensemble avant qu’il ne soit trop tard. Contrairement à ce que pensent certains, ce n’est pas la cohabitation des communautés qui pose problème, mais la tentative de domination d’une communauté sur les autres par l’accaparement des richesses nationales. Mais nous sommes également conscients que le plus noble des combats n’est pas une stratégie de survie individualiste.

La vraie bataille c’est d’obtenir, dans l’unité et la détermination, le respect des principes républicains et de la loi pour tous. Aujourd’hui, en Mauritanie, le peuple, celui qui a les pieds dans la glaise est complètement exclu de la gestion des biens publics et du jeu démocratique. Le peuple est faible et impuissant. On dirait qu’on est tous atteint d’une amnésie collective à tel point qu’on ne se rend pas compte que nous allons vers l’abime. Pendant ce temps, nous accumulons des frustrations refoulées à longueur de journées sans rien faire. Nous restons complices de cette passivité lassante sans lever le petit doigt. Nous nous résignons d’attendre un hypothétique sauveur pour régler nos problèmes. Ils ont réussi à créer une crispation entre les différentes franges de la société. Cette situation a créé un statuquo dans notre pays, et rend hypothétique notre avenir. J’ai en mémoire en écrivant ces lignes, ces hommes et ces femmes politiques qui ont fait l’histoire de ce pays. Ces éminentes personnalités qui avaient enchanté notre jeunesse. Par des pratiques intelligentes, de compromis et de respect mutuel entre les différentes composantes de notre pays, avaient réussi à poser les digues d’une stabilité de notre pays. Feu Mohamed Mahmoud ould Louly qui a dirigé la Mauritanie d’avril 1979 à janvier 1980 en faisait partie. Je salue la mémoire, d’un homme intègre et très religieux qui vient de nous quitter. La disparition de cette identité remarquable résonne en moi comme une invitation à s’agripper davantage sur les valeurs qui fondent notre vivre ensemble avant qu’il ne soit trop tard. Il est temps de nous poser les vraies questions : Quel est modèle de société voulons-nous pour notre pays ? Quelle Mauritanie voulons-nous bâtir ensemble de notre présent et de l’avenir de nos enfants ? Quelle alternative à la faillite des élites dirigeantes ? Attendre et subir ? Ou agir ?

En attendant, et dans la dernière ligne droite menant à l’élection présidentielle de 2019, il nous faut prendre la pleine mesure de la gravité de la situation de notre pays. L’enjeu de l’heure est beaucoup plus transcendant. Nos concitoyens doivent être de plus en plus exigeants envers notre personnel politique. Après des décennies de gestion politico-militaire marquées par un tâtonnement chronique et en corollaire, un pays qui tourne en rond sans réel espoir de sortir de l’ornière. Aujourd’hui, la seule priorité : faire les ruptures indispensables au progrès de ce pays. Force est de constater que nous avons une société complètement déstructurée, qui souffre profondément. L’économie est le secteur le plus secoué par cette crise que traverse notre pays. Cette économie est affectée en plus par la gangrène des scandales financiers avec des milliards détournés, de la corruption érigée en système de gouvernance. Il est plus qu’urgent de recentrer les priorités de notre société. Or, la gestion de ces problèmes est totalement absente du débat politique.

D’où la nécessité de réinventer un personnel politique de qualité. Sans quoi notre pays va continuer à tourner en rond. Perdre notre temps et nos énergies sur ce qui nous divise, au lieu de nous mobiliser sur ce qui nous rassemble. Notre personnel politique de tout bord confondu, au lieu de se retrouver autour de l’essentiel, celui d’une « Mauritanie Unie » et plurielle résolument tournée vers un idéal démocratique, surfe d’avantage sur le repli identitaire et les peurs qui attisent de plus en plus nos crispations.

Il est temps de déterminer quel type de société et sur la base de quelles valeurs nous voulons la bâtir. En vue d’imaginer de nouvelles perspectives pour fonder un espoir, susciter une prise de conscience des jeunes susceptibles de mettre notre pays sur les voies du développement.

Le sursaut d’orgueil indispensable pour l’éveil de la Mauritanie

N’est-il pas temps de sauver notre pays par une insurrection civique ? N’est-il pas temps de renouer avec cette conviction que la Mauritanie a un destin et que c’est à nous qu’incombe la responsabilité de le forger ?

Commençons par arrêter nos querelles intestines qui restent du pain bénit pour notre élite dirigeante ! Ils nous dirigent, mais ils surfent sur nos peurs pour mieux nous piller. Cette attitude dénote le manque de respect pour nos institutions, un mépris pour les préoccupations de notre peuple. C’est pourquoi, nous avons un combat à mener, main dans la main sans aucune considération régionaliste ni ethnique.

Accepter que la Mauritanie soit une et indivisible. C’est la seule voie possible pour nous sortir de cette crise. Un dialogue national et sincère est urgent. Il est temps d’organiser des assises démocratiques, basées sur une consultation populaire. Ces assises seront un forum de discussions entre la société civile, les partis politiques et les citoyens. Dans l’optique de favoriser un diagnostic sans complaisance de notre démocratie et du fonctionnement de nos institutions.

Nous nous engageons à être parmi les acteurs de ce dialogue national. Ensuite nous devons mutualiser nos forces pour déconstruire ce régime politique qui nous gouverne sous sa forme actuelle. En même temps nous devons rompre avec ces tares qui nous empêchent de décoller. Notamment, le non-respect du partage de notre espace public caractérisé par une indifférence totale, qui frôle l’anarchie. Au-delà des conflits que cela peut engendrer cette indifférence est symptomatique de notre incivisme notoire. Nous avons le pays où la pagaille, communément appelé « gazra », est devenue un mode de vie. Sans compter cette insalubrité chronique qui transforme notre capitale en un gigantesque dépotoir à ciel ouvert. C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’il est impératif d’assainir les mentalités et de promouvoir davantage la pratique de l’action civique, gage de l’émergence d’un citoyen responsable et respectueux de l’espace commun. Il est impératif, pour chacun et chacune d’entre nous, de prendre conscience des véritables enjeux de l’heure.

Faisons l’effort de nous rassembler et de nous lever. Osons ensemble !

Mansour LY

Rouen – Normandie

1 réponse sur “Panafricanisme et éveil des consciences : « La Mauritanie d’abord ! »”

  1. Merci de votre engagement et le sens de responsabilité que vous partagez.Oui la Mauritanie nous appartient il est temps de voir les réalités

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *