Mali, le coup d’après.

On a le choix entre « le mieux est l’ennemi du bien » ou « dépasser ses objectifs, ce n’est pas les atteindre ». Les révoltés du 5 juin voulaient le changement. Ils l’ont obtenu. Peut-être au-delà de leurs espérances. IBK a cédé le pouvoir auquel il s’était tant accroché. Contraint et forcé. Sans même faire mine d’habiller sa piteuse sortie. « Si aujourd’hui il a plu à certains éléments de nos forces armées de conclure que cela devait se terminer par leur intervention, ai-je finalement le choix ? » s’interroge le partant. « Cela» ? A quoi fait allusion l’homme aux caftans ? A sa double présidence ou au mouvement du 5 juin qui en a sonné le crépuscule prématurément ?

 Le désormais ci-devant président malien est le grand perdant de l’affrontement qui l’a opposé à « ses » multiples adversaires. C’est un perdant évident. Mais qui est donc le gagnant? Comme souvent au Mali, en ce type de circonstances, à la fin, c’est toujours l’armée qui gagne. Cela étant, les Maliens sont en droit d’attendre de leurs soldats d’autres faits d’armes. Les FAMA ont une fois encore prouvé qu’elles savaient faire ce pourquoi elles ne sont pas faites. Bien moins que ce qu’elles sont censées faire. Autre gagnant à qui on aurait tort de mégoter sa victoire : Monsieur ou Imam Diko, le politico-religieux, au credo énigmatique. L’homme aux fidélités successives a su attendre son heure pour préempter un combat qui se voulait collectif et qui l’a été. Deux gagnants ex aequo donc. Quant aux autres animateurs de la révolte, ils pourront toujours faire bon cœur contre mauvaise fortune et considérer que l’issue en treillis d’hier est aussi un peu leur victoire. Mais rien ne leur interdit de tirer parallèlement les leçons des limites d’une action collective peu soucieuse du coup d’après.

Au Mali hier, comme au Togo et ailleurs avant-hier, le pouvoir de la rue a livré une fois encore ses limites. La quête de solutions a eu pour résultat d’aggraver le problème. Plutôt que de traiter avec un IBK affaibli, contraint par la force des choses à composer, de prendre en compte les concessions, notamment du Conseil constitutionnel, la protestation a accouché d’un pouvoir militaire érigé de fait en artisan de la sortie de crise. Schéma qui s’est dessiné tant de fois auparavant. Le scénario était archi prévisible. Les médiateurs de la CEDEAO n’ont donc eu qu’une perspicacité relative en le pressentant. Ce qui n’enlève rien à leur mérite d’avoir récusé par avance le principe même de toute issue non constitutionnelle à la crise. Et maintenant ? Quelque peu hors sol au vu des circonstances, l’organisation régionale a réitéré par automatisme son mantra : l’appel au dialogue.

Pour sa part, Moussa Faki Mahamat a, au nom de l’Union africaine, condamné le coup de force. C’est bien le moins. Reste à en évaluer des traductions concrètes. Et à attendre la réponse à des questions que l’on peut se poser rétrospectivement. Au plan des principes, était-il pertinent de la part d’organisations politiques à prétention démocratique de faire de la démission d’un président de la république-bien ou mal élu- mais élu un préalable exclu de tout débat ? Surtout à une telle distance du scrutin présidentiel ? Ce maximalisme apparent et son corollaire, le refus systématique des propositions des médiateurs de la CEDEAO, n’ont-ils pas creusé une impasse, fait le lit de l’armée et justifié une récidive d’effraction dans la vie politique ?

Certes, il y a bien longtemps qu’au Mali, l’armée s’est autoproclamée gendarme de la vie politique à rebours de son rôle institutionnel normal. Justement, une telle routine aurait pu être déjouée et un renouveau instauré cette fois-ci. Une occasion ratée. De quoi demain sera-t-il fait ? Quel sera à titre d’exemple, l’impact politique à venir de l’Imam Diko ? Le faiseur et « défaiseur » de rois saura-t-il avoir le triomphe modeste ou poussera-t-il son avantage ? S’enracinera-t-il durablement dans le paysage politique ? Si oui, sous quelles modalités ?… En attendant, aujourd’hui ressemble sacrément à un retour à la case départ. Dommage pour le Mali et pour les Maliens.

T B

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *