Mauritanie, l’instruction en mode « less thiaali ».

En Mauritanie, le nombre de défis à relever est vraisemblablement proche du nombre d’astres visibles dans son magnifique ciel étoilé. Parmi ceux-ci, l’instruction est dans la catégorie des défis majeurs, du fait de sa connexion directe avec d’autres de différents types voire d’autres enjeux locaux. Depuis près de trois décennies, l’Education Nationale (dont le fonctionnement n’était déjà pas optimal ne serait-ce qu’en prenant comme base d’analyse son inaccessibilité à beaucoup d’enfants), plus précisément, l’Ecole publique qui est un creuset dans un pays, a été méthodiquement déstructurée. Une génération entière au moins, de jeunes adultes, peut être classée dans la catégorie des laissés-pour-compte, sans aucun niveau d’instruction. C’est dire que de ceux qui fréquentaient l’Ecole publique, rares sont ceux qui ont pu passer entre les mailles des filets. Et tout naturellement, cette génération est incapable de former, sur le plan de l’instruction, celle suivante ou de répondre aux besoins du marché des emplois qualifiés.

Crédits photos : Mamoudou Lamine Kane

L’objet de cette contribution n’est pas de dresser le constat que chacun connait plus ou moins, ni de se lamenter, mais de proposer ou de remettre au goût du jour une proposition déjà offerte par le passé par certains de nos aînés (avec peut-être quelques variantes contextuelles). Il s’agit maintenant de « semer » pour la future génération et, ainsi, limiter  les dégâts. Partant du constat qu’on ne peut actuellement pas compter sur l’Etat (c’est un euphémisme de le dire) pour former l’écrasante majorité de nos enfants, il s’agit de tenter de le faire nous-même, pendant qu’il est encore temps, en mettant à contribution nos meilleurs enseignants retraités volontaires, pour: – d’une part, former (dans leurs localités d’origines ou d’habitations) nos enfants en partant de la base, c’est-à-dire l’école primaire, dans les villages, les adwabas, les campements… Bref le monde « rural » (nous ne traitons pas pour l’instant le cas spécifique des villes ou celui de la diaspora)…; – d’autre part, former de jeunes volontaires enthousiastes (ayant également les prérequis nécessaires) à devenir de futurs enseignants. Un fonctionnement par binôme un enseignant retraité/un jeune enseignant stagiaire sera institué. Par cette formule on est en droit de s’attendre à de nombreux avantages résultant de cette prise en charge (forcément partielle, et devenue une obligation, compte tenu de la défaillance de l’Etat) par les populations, du sort de leurs enfants, en tenant compte de leurs capacités contributives; à savoir: – la mise en place relativement simple de ce montage; tant pour les ressources humaines (on peut se satisfaire de 2 à 3 binômes, dans un premier temps, dans les petites localités) que pour le financement (cotisations modestes, voire symboliques des habitants de la localité, appel éventuel aux ressortissants de la diaspora issue de la localité pour contribuer cette fois-ci à la construction des apprenants).

D’ailleurs dans le contexte sanitaire actuel, des classes en plein air (« less thiaali » comme on dirait dans ma localité) seraient adaptées et même souhaitables, ce qui faciliterait encore plus leur mise en place; – la création d’un emploi rémunéré pour le jeune enseignant en formation ainsi qu’un complément pour le vaillant Retraité, en plus de l’inestimable valeur sociale et de la « Sadaqa jaariya » (aumône perpétuelle) que peut constituer cet engagement en faveur de l’enseignement des jeunes. Le renforcement, auprès des populations, de la prise de conscience de leurs capacités à se prendre en charge au vu la situation qui prévaut n’est pas à négliger; – la possibilité de profiter de cette action pour élaguer (pour rester dans le jargon agricole) certaines « mauvaises herbes » du champ de nos habitudes traditionnelles; – la possibilité pour ceux qui le souhaitent d’intégrer au programme d’instruction, des cours en langues nationales, à l’endroit d’enfants dont les parents exprimeraient ce besoin; – le caractère général de cette action qui doit pouvoir profiter à tous les enfants de la localité dans laquelle elle est menée.

Certains, à la lecture de ces lignes pourraient dire que cette action est dérisoire au vu de tous les défis auxquels doivent ou font face les Mauritaniens. On ne peut nier cette part de vérité. Cependant je laisse à toutes et à tous le soin de méditer sur cette belle phrase qu’avait prononcée un homme qui a beaucoup œuvré pour l’indépendance de son pays: « tout ce que nous ferons est dérisoire, mais il est nécessaire que nous le fassions ». Permettez-moi d’ajouter la célèbre sentence « travaillez comme si vous ne deviez jamais mourir et priez comme si vous deviez mourir l’instant d’après ». Nous pouvons également voir cette petite action comme une sorte d’entrée en matière pour s’attaquer ensuite à d’autres défis qui eux aussi ont la même valeur que l’instruction. Il y a urgence à agir, nos chers aînés ne sont pas éternels et nous non plus. Nous avons deux à trois mois pour agir si nous ne voulons pas rater la rentrée prochaine, c’est-à-dire la prochaine période de semence.

Crédits photos : Mamoudou Lamine Kane

Fraternellement,  

P.S: À nos adolescents ou jeunes adultes qui passeront leurs examens dans quelques semaines, nos vœux de réussites les accompagnent. Aux élèves des classes de terminales en particulier, nous demandons, bien que sachant que les moyens sont inégaux, de viser, pour ceux qui en ont les capacités, les formations d’Excellence, de tenter avec leur détermination, travail, l’aide de leurs aînés étudiants etc., de s’orienter vers les formations tremplins pour passer les concours. Et s’ils échouent au Bac, qu’ils pleurent de déceptions (s’ils le veulent, pour évacuer la déception), mais qu’ils tentent encore plus nombreux, plus forts!

Contribution anonymisée

Le 16/08/2020

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