Toujours Plus Haut Déby!

Une fois les bornes dépassées, il n’y a plus de limites. Mais qui trace les limites? Qui, au Tchad par exemple, aurait pu signaler à Driss Déby, monarque républicain depuis trente ans, qu’il sombrait dans le caricatural? Sûrement pas ses affidés de ministres. Pas non plus son parlement fantôme peuplé de députés à l’élection frelatée. Comme tous les Etats africains récipiendaires du cadeau groupé gaulliste, le Tchad fête ses 60 ans d’«indépendance».

Déby se devait d’offrir au pays un présent à la mesure du non-événement. L’électrification? L’accès à l’eau potable? Des écoles et des dispensaires? Pensez donc. Futilités. Déby a mieux : son propre sacre. Non comme empereur. Du moins pas cette fois. Laissons cela à l’excentrique Bokassa de la voisine Centrafrique. Plus modestement, pour l’instant, comme «Maréchal du Tchad» à défaut de maréchal d’Afrique.

D’ailleurs, à part en Afrique, où trouve-t-on encore cet archaïsme? Quelque chose aurait dû nous alerter. Depuis quelques années, le tout nouveau maréchal étrenne majestueusement, à la manière de son presque compatriote Omar El Béchir, une canne. On a pensé à un de ces accessoires dont nos chefs raffolent comme s’il s’agissait d’une excroissance d’eux-mêmes. La métaphore de leur pouvoir quasi divin. En fait, Déby tenait son bâton de maréchal. Ni plus ni moins. Il a rejoint la cohorte composée du Centrafricain Bokassa, du Zaïrois Mobutu et de l’Ougandais Idi Amin Dada. Amin Dada, « le roi d’Ecosse », mort en fuyard dans l’indifférence générale.

Un 16 août ! Drôle de coïncidence! Et comme l’Afrique subsaharienne n’a pas le monopole du grotesque, on s’en voudrait de ne pas citer nos compatriotes maréchaux d’Egypte, Tantaoui et Sissi ainsi que le Libyen Haftar. Mais pour quels faits d’armes ? Déby a, on le sait, orchestré himself une riposte récente baptisée Colère de Boma contre des jihadistes. L’homme auquel l’on reconnaît volontiers un certain courage physique-quoique sous le parapluie aérien français- avait tenu à être personnellement à la manœuvre pour être sûr du résultat. Ce qui dénote une haute idée de soi et à l’inverse le peu de considération pour ses chefs militaires. Auto-satisfait, le maréchal avait décrété que, vaccinés, les assaillants ne reviendraient plus en terre tchadienne. Fanfaronnade. Ils sont revenus. Deux fois plus qu’une.

Déby doit beaucoup à la France qui, plus d’une fois, lui a sauvé la mise, c’est-à-dire son pouvoir. Ces dernières années, l’homme s’est vu gratifier du rôle de sous-gendarme ou de supplétif de la sous-région. Les performances de son armée sont régulièrement saluées. A juste titre. Peut-être en a-t-il été grisé. Peut-être aussi est-il simplement tombé du côté où il penchait. Nous y voilà. A terre pour nous quand lui se croit aux cimes. Le maréchal Déby n’est-il pas en train de devenir pour la France de Macron ce que le maréchal-empereur Bokassa fut pour la France giscardienne? Bien plus important encore, le malheureux peuple tchadien ne méritait-il pas autre chose?

T.B.  

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