Pourquoi les Africains doivent contrôler leur économie?

Pourquoi les Africains doivent contrôler leur économie?

Lors du dernier salon Vivatechnology qui s’est tenu à Paris une vidéo a fait le tour de la toile. Dans cette dernière le PDG d’Orange fait face à une vive riposte de Thione Niang au cours d’une rencontre où les participants échangent sur les opportunités d’investir en Afrique.

« Je voudrais gentiment dire que l’Afrique a besoin de l’investissement massif des compagnies étrangères comme Orange pour son développement… », déclare Stephane Richard. Thione Niang, réagissant aux propos du Président d’Orange a dit en résumé que les pays africains ont certes besoin des investissements étrangers mais que l’Afrique ne se développera qu’avec son système économique contrôlé par les africains…

 

 

Cet échange peut paraître complètement anodin mais, il pose une problématique « Est-ce que se sont les Investissements Directs Etrangers (IDE) qui développeront l’Afrique ? ».

L’arbitrage  se trouve dans cette interview

Dans une interview accordée au journal nigérian New Telegraph en août 2018, les déclarations du président du Conseil des exportations du Nigéria, Olusegun Awolowo, apportent des éléments de réponse qui aident à départager les visions antagonistes de Stéphane RICHARD et Thione NIANG. En effet,  Mr Awolowo a déclaré que l’économie du Nigéria  était tirée par le secteur des services, et non le pétrole comme on pourrait le croire.  Le paradoxe est d’autant plus surprenant, qu’on sait que le Nigéria, première puissance économique africaine, est aussi le premier producteur africain de pétrole. Il fournit à lui seul plus de 27% des quantités de  pétrole extraites du continent africain.

Ce que le paradoxe nigérian nous enseigne

La réponse à ce paradoxe est le fait que contrairement au secteur des services, détenu par les Nigérians, le secteur pétrolier est lui dominé par des  compagnies pétrolières étrangères. Ces dernières  rapatrient de grandes quantités de bénéfices dans leur pays respectif. Ainsi, malgré le fait qu’il représente une bonne partie des exportations,  le pétrole, du fait de la main mise étrangère, contribue pour moins de 10% au PIB du Nigéria. Le secteur des services contribue quant à lui, à 50% du PIB. Ce paradoxe de la première puissance économique africaine vient conforter l’affirmation de Thione NIANG selon laquelle « l’Afrique ne se développera qu’avec son système économique contrôlé par les africains ».

En effet, le cas du Nigéria très répandu sur le continent, pose la question des choix économiques des Etats africains et de la compréhension même de l’économie de marché par les élites dirigeantes et intellectuelles. L’Afrique a tendance à laisser le monopole de secteurs clés de ses économies nationales à des entreprises étrangères. Cette mauvaise compréhension de l’économie de marché, le suivi aveugle des stratégies de développement élaborées sous d’autres cieux, créent alors un autre paradoxe : en Afrique, la croissance n’améliore pas le niveau de vie des populations. En réalité, le continent reste un relais de croissance pour d’autres économies : notre croissance sert d’autres citoyens, ailleurs dans le monde et pas les nôtres.

« La croissance ne se mange » pas dit-on !

C’est la raison pour laquelle les annonces de taux de croissance laissent perplexe le citoyen africain. Car lui ne voit aucun impact de cette croissance sur sa vie quotidienne. Par exemple, les annonces de croissance n’entraînent aucune amélioration de services publics comme l’éducation et la santé, les infrastructures ou la création d’emplois.

Faut-il bannir les IDE ?

L’accueil davantage d’IDE est indispensable à nos économies comme à toute autre économie dans le monde, y compris celles des pays développés. Mais les IDE ne rempliront leurs rôles qu’à condition que les Etats africains mettent des exigences face aux investisseurs étrangers. Parmi elles, l’obligation de joint-venture avec des entreprises locales, le transfert de technologie, la lutte contre l’évasion fiscale, etc.    Donc, « oui l’Afrique a besoin des IDE » mais, comme l’a si bien dit Thione NIANG, l’Afrique ne se développera qu’avec : « son système économique contrôlé par les africains ». Ce ne sont pas les IDE qui développent un pays, elles sont juste des leviers au service du développement.

Diallo Mamadou,

La plume d’Ishango, pour ADN

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