Le Congolais Marcel Mabiala Mbouyou publie l’ouvrage « Chroniques Brazzavilloises » aux éditions Jets d’Encre

Un portrait fin et réaliste de la vie quotidienne au Congo


Marcel Mabiala Mbouyou est un jeune auteur congolais… de soixante-dix ans ! dont la vocation littéraire a longtemps été contrariée. Après de longues études en France, il rentre au pays et, un doctorat de littérature française ainsi qu’un master de sciences politiques en poche, il se lance dans une carrière en marketing avant de se tourner vers l’enseignement. Aujourd’hui à la retraite, il exerce, à Brazzaville, les fonctions de directeur des études académiques, de chargé de cours de marketing et d’outils de recrutement à la Haute École Léonard de Vinci.

Format : 14 x 21 cm Pages : 168 pages ISBN : 978-2-35523-311-1 Prix : 17 €

EXTRAIT

Mali : Des prémices d’une révolution populaire au coup d’éclat militaire

La singularité des vagues de contestations populaires réside dans l’incapacité des analystes à en prédire l’avenir, tant les conditions d’émergence de ces mouvements sont multiformes et complexes.
Le caractère diffus des revendications populaires qui nous viennent du Mali ainsi que l’hétérogénéité de ses représentants remet en cause toutes les prédictions quand à la réussite de ses mouvements ou non. Car malgré un but commun, les stratégies et les ambitions divergent.

L’aboutissement incertain, de la contestation populaire malienne de ces derniers mois, laissait entrevoir malgré tout une lueur d’espoir, tant la détermination de la jeunesse impactait ce pouvoir acculé et pied au mur.
Il ne fallait qu’un coup de grâce pour satisfaire la volonté populaire, à savoir la démission du gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keita.
C’est ce coup de grâce que porta sans coup férir une partie de l’armée – plus efficace dans les dédales des Palais à Bamako que sur le champ de bataille- au régime agonisant d’IBK.
En fin stratège doublé d’un opportuniste de circonstance l’armée se fait sentinelle de la démocratie et chantre de l’alternance auprès des populations civiles qui ont creusé les tranchées d’une révolution populaire, opposant au régime en place une détermination au prix de leurs vies.

L’armée, qui s’invita par effraction -dans les mouvements de contestation populaire- en sa qualité d’arbitre intéressé, met en lumière par ailleurs les limites de cette vague de mouvement populaire. Composée majoritairement d’une jeunesse issus de la société civile mais entourée par des figures politiques, qui ont servi les différents régimes, dont la tête de pont n’est autre que l’Imam Dicko (avec un parcours et un agenda politique différent).

Le coup d’état mené par les mutins de Kati trouve son origine plus dans un problème interne à l’institution militaire qu’à une forme d’adhésion ou de sympathie à l’endroit des manifestants.
L’armée a profité du climat de tension sociale et politique pour récupérer les dividendes d’une révolution populaire face à un pouvoir vacillant malmené par une jeunesse vaillante. L’opportunité -de ce coup d’état – a été offerte par la mobilisation et la détermination de la société civile.
Ainsi, il ne faut pas que la rue – le peuple souverain- se fasse voler sa victoire par une partie de l’armée dont les précédents assauts sur le champ de bataille politique et démocratique n’étaient pas reluisants.
Si l’armée a intervenu pour le bien du Peuple Malien martyr et artisan de cette révolution, elle doit, dès la transition en vue, rendre au Peuple ce qui lui appartient, à savoir sa révolution et le fruit de sa révolution.
Ne pas se faire voler sa révolution, c’est de refuser que la soldatesque supplante l’autocratie même par dépit ou désarroi légitime.

Diallo Saidou Dit Thierno,

pour ADN

Sortie littéraire:Hugues Kévin Ilouga publie son premier ouvrage « Gestation »

Le Camerounais Hugues Kévin Ilouga publie son premier ouvrage « Gestation » aux éditions Jets d’Encre. Ce recueil poétique intitulé « Gestation » ressemble à s’y méprendre à un enfantement. Avec ses césures, ses strophes, ses vers et rimes immergés aux rythmes d’une poésie moderne, vivace et percutante, on assiste à un accouchement poétique. Une invitation à l’introspection…

EXTRAIT
En chaque humain, Kant doit résonner. « Que dois-je faire ? » Chacun devrait se demander. Étrangement, l’esprit humain a réussi en s’en défaire. À soi exclusivement on pense. Notre bien : notre unique obsession. Celui des autres : nous en avons l’aversion. En nous il suscite même l’indifférence. Notre bonheur nous recherchons sans cesse

Mali, le coup d’après.

On a le choix entre « le mieux est l’ennemi du bien » ou « dépasser ses objectifs, ce n’est pas les atteindre ». Les révoltés du 5 juin voulaient le changement. Ils l’ont obtenu. Peut-être au-delà de leurs espérances. IBK a cédé le pouvoir auquel il s’était tant accroché. Contraint et forcé. Sans même faire mine d’habiller sa piteuse sortie. « Si aujourd’hui il a plu à certains éléments de nos forces armées de conclure que cela devait se terminer par leur intervention, ai-je finalement le choix ? » s’interroge le partant. « Cela» ? A quoi fait allusion l’homme aux caftans ? A sa double présidence ou au mouvement du 5 juin qui en a sonné le crépuscule prématurément ?

 Le désormais ci-devant président malien est le grand perdant de l’affrontement qui l’a opposé à « ses » multiples adversaires. C’est un perdant évident. Mais qui est donc le gagnant? Comme souvent au Mali, en ce type de circonstances, à la fin, c’est toujours l’armée qui gagne. Cela étant, les Maliens sont en droit d’attendre de leurs soldats d’autres faits d’armes. Les FAMA ont une fois encore prouvé qu’elles savaient faire ce pourquoi elles ne sont pas faites. Bien moins que ce qu’elles sont censées faire. Autre gagnant à qui on aurait tort de mégoter sa victoire : Monsieur ou Imam Diko, le politico-religieux, au credo énigmatique. L’homme aux fidélités successives a su attendre son heure pour préempter un combat qui se voulait collectif et qui l’a été. Deux gagnants ex aequo donc. Quant aux autres animateurs de la révolte, ils pourront toujours faire bon cœur contre mauvaise fortune et considérer que l’issue en treillis d’hier est aussi un peu leur victoire. Mais rien ne leur interdit de tirer parallèlement les leçons des limites d’une action collective peu soucieuse du coup d’après.

Au Mali hier, comme au Togo et ailleurs avant-hier, le pouvoir de la rue a livré une fois encore ses limites. La quête de solutions a eu pour résultat d’aggraver le problème. Plutôt que de traiter avec un IBK affaibli, contraint par la force des choses à composer, de prendre en compte les concessions, notamment du Conseil constitutionnel, la protestation a accouché d’un pouvoir militaire érigé de fait en artisan de la sortie de crise. Schéma qui s’est dessiné tant de fois auparavant. Le scénario était archi prévisible. Les médiateurs de la CEDEAO n’ont donc eu qu’une perspicacité relative en le pressentant. Ce qui n’enlève rien à leur mérite d’avoir récusé par avance le principe même de toute issue non constitutionnelle à la crise. Et maintenant ? Quelque peu hors sol au vu des circonstances, l’organisation régionale a réitéré par automatisme son mantra : l’appel au dialogue.

Pour sa part, Moussa Faki Mahamat a, au nom de l’Union africaine, condamné le coup de force. C’est bien le moins. Reste à en évaluer des traductions concrètes. Et à attendre la réponse à des questions que l’on peut se poser rétrospectivement. Au plan des principes, était-il pertinent de la part d’organisations politiques à prétention démocratique de faire de la démission d’un président de la république-bien ou mal élu- mais élu un préalable exclu de tout débat ? Surtout à une telle distance du scrutin présidentiel ? Ce maximalisme apparent et son corollaire, le refus systématique des propositions des médiateurs de la CEDEAO, n’ont-ils pas creusé une impasse, fait le lit de l’armée et justifié une récidive d’effraction dans la vie politique ?

Certes, il y a bien longtemps qu’au Mali, l’armée s’est autoproclamée gendarme de la vie politique à rebours de son rôle institutionnel normal. Justement, une telle routine aurait pu être déjouée et un renouveau instauré cette fois-ci. Une occasion ratée. De quoi demain sera-t-il fait ? Quel sera à titre d’exemple, l’impact politique à venir de l’Imam Diko ? Le faiseur et « défaiseur » de rois saura-t-il avoir le triomphe modeste ou poussera-t-il son avantage ? S’enracinera-t-il durablement dans le paysage politique ? Si oui, sous quelles modalités ?… En attendant, aujourd’hui ressemble sacrément à un retour à la case départ. Dommage pour le Mali et pour les Maliens.

T B

Mauritanie, l’instruction en mode « less thiaali ».

En Mauritanie, le nombre de défis à relever est vraisemblablement proche du nombre d’astres visibles dans son magnifique ciel étoilé. Parmi ceux-ci, l’instruction est dans la catégorie des défis majeurs, du fait de sa connexion directe avec d’autres de différents types voire d’autres enjeux locaux. Depuis près de trois décennies, l’Education Nationale (dont le fonctionnement n’était déjà pas optimal ne serait-ce qu’en prenant comme base d’analyse son inaccessibilité à beaucoup d’enfants), plus précisément, l’Ecole publique qui est un creuset dans un pays, a été méthodiquement déstructurée. Une génération entière au moins, de jeunes adultes, peut être classée dans la catégorie des laissés-pour-compte, sans aucun niveau d’instruction. C’est dire que de ceux qui fréquentaient l’Ecole publique, rares sont ceux qui ont pu passer entre les mailles des filets. Et tout naturellement, cette génération est incapable de former, sur le plan de l’instruction, celle suivante ou de répondre aux besoins du marché des emplois qualifiés.

Crédits photos : Mamoudou Lamine Kane

L’objet de cette contribution n’est pas de dresser le constat que chacun connait plus ou moins, ni de se lamenter, mais de proposer ou de remettre au goût du jour une proposition déjà offerte par le passé par certains de nos aînés (avec peut-être quelques variantes contextuelles). Il s’agit maintenant de « semer » pour la future génération et, ainsi, limiter  les dégâts. Partant du constat qu’on ne peut actuellement pas compter sur l’Etat (c’est un euphémisme de le dire) pour former l’écrasante majorité de nos enfants, il s’agit de tenter de le faire nous-même, pendant qu’il est encore temps, en mettant à contribution nos meilleurs enseignants retraités volontaires, pour: – d’une part, former (dans leurs localités d’origines ou d’habitations) nos enfants en partant de la base, c’est-à-dire l’école primaire, dans les villages, les adwabas, les campements… Bref le monde « rural » (nous ne traitons pas pour l’instant le cas spécifique des villes ou celui de la diaspora)…; – d’autre part, former de jeunes volontaires enthousiastes (ayant également les prérequis nécessaires) à devenir de futurs enseignants. Un fonctionnement par binôme un enseignant retraité/un jeune enseignant stagiaire sera institué. Par cette formule on est en droit de s’attendre à de nombreux avantages résultant de cette prise en charge (forcément partielle, et devenue une obligation, compte tenu de la défaillance de l’Etat) par les populations, du sort de leurs enfants, en tenant compte de leurs capacités contributives; à savoir: – la mise en place relativement simple de ce montage; tant pour les ressources humaines (on peut se satisfaire de 2 à 3 binômes, dans un premier temps, dans les petites localités) que pour le financement (cotisations modestes, voire symboliques des habitants de la localité, appel éventuel aux ressortissants de la diaspora issue de la localité pour contribuer cette fois-ci à la construction des apprenants).

D’ailleurs dans le contexte sanitaire actuel, des classes en plein air (« less thiaali » comme on dirait dans ma localité) seraient adaptées et même souhaitables, ce qui faciliterait encore plus leur mise en place; – la création d’un emploi rémunéré pour le jeune enseignant en formation ainsi qu’un complément pour le vaillant Retraité, en plus de l’inestimable valeur sociale et de la « Sadaqa jaariya » (aumône perpétuelle) que peut constituer cet engagement en faveur de l’enseignement des jeunes. Le renforcement, auprès des populations, de la prise de conscience de leurs capacités à se prendre en charge au vu la situation qui prévaut n’est pas à négliger; – la possibilité de profiter de cette action pour élaguer (pour rester dans le jargon agricole) certaines « mauvaises herbes » du champ de nos habitudes traditionnelles; – la possibilité pour ceux qui le souhaitent d’intégrer au programme d’instruction, des cours en langues nationales, à l’endroit d’enfants dont les parents exprimeraient ce besoin; – le caractère général de cette action qui doit pouvoir profiter à tous les enfants de la localité dans laquelle elle est menée.

Certains, à la lecture de ces lignes pourraient dire que cette action est dérisoire au vu de tous les défis auxquels doivent ou font face les Mauritaniens. On ne peut nier cette part de vérité. Cependant je laisse à toutes et à tous le soin de méditer sur cette belle phrase qu’avait prononcée un homme qui a beaucoup œuvré pour l’indépendance de son pays: « tout ce que nous ferons est dérisoire, mais il est nécessaire que nous le fassions ». Permettez-moi d’ajouter la célèbre sentence « travaillez comme si vous ne deviez jamais mourir et priez comme si vous deviez mourir l’instant d’après ». Nous pouvons également voir cette petite action comme une sorte d’entrée en matière pour s’attaquer ensuite à d’autres défis qui eux aussi ont la même valeur que l’instruction. Il y a urgence à agir, nos chers aînés ne sont pas éternels et nous non plus. Nous avons deux à trois mois pour agir si nous ne voulons pas rater la rentrée prochaine, c’est-à-dire la prochaine période de semence.

Crédits photos : Mamoudou Lamine Kane

Fraternellement,  

P.S: À nos adolescents ou jeunes adultes qui passeront leurs examens dans quelques semaines, nos vœux de réussites les accompagnent. Aux élèves des classes de terminales en particulier, nous demandons, bien que sachant que les moyens sont inégaux, de viser, pour ceux qui en ont les capacités, les formations d’Excellence, de tenter avec leur détermination, travail, l’aide de leurs aînés étudiants etc., de s’orienter vers les formations tremplins pour passer les concours. Et s’ils échouent au Bac, qu’ils pleurent de déceptions (s’ils le veulent, pour évacuer la déception), mais qu’ils tentent encore plus nombreux, plus forts!

Contribution anonymisée

Le 16/08/2020

Toujours Plus Haut Déby!

Une fois les bornes dépassées, il n’y a plus de limites. Mais qui trace les limites? Qui, au Tchad par exemple, aurait pu signaler à Driss Déby, monarque républicain depuis trente ans, qu’il sombrait dans le caricatural? Sûrement pas ses affidés de ministres. Pas non plus son parlement fantôme peuplé de députés à l’élection frelatée. Comme tous les Etats africains récipiendaires du cadeau groupé gaulliste, le Tchad fête ses 60 ans d’«indépendance».

Déby se devait d’offrir au pays un présent à la mesure du non-événement. L’électrification? L’accès à l’eau potable? Des écoles et des dispensaires? Pensez donc. Futilités. Déby a mieux : son propre sacre. Non comme empereur. Du moins pas cette fois. Laissons cela à l’excentrique Bokassa de la voisine Centrafrique. Plus modestement, pour l’instant, comme «Maréchal du Tchad» à défaut de maréchal d’Afrique.

D’ailleurs, à part en Afrique, où trouve-t-on encore cet archaïsme? Quelque chose aurait dû nous alerter. Depuis quelques années, le tout nouveau maréchal étrenne majestueusement, à la manière de son presque compatriote Omar El Béchir, une canne. On a pensé à un de ces accessoires dont nos chefs raffolent comme s’il s’agissait d’une excroissance d’eux-mêmes. La métaphore de leur pouvoir quasi divin. En fait, Déby tenait son bâton de maréchal. Ni plus ni moins. Il a rejoint la cohorte composée du Centrafricain Bokassa, du Zaïrois Mobutu et de l’Ougandais Idi Amin Dada. Amin Dada, « le roi d’Ecosse », mort en fuyard dans l’indifférence générale.

Un 16 août ! Drôle de coïncidence! Et comme l’Afrique subsaharienne n’a pas le monopole du grotesque, on s’en voudrait de ne pas citer nos compatriotes maréchaux d’Egypte, Tantaoui et Sissi ainsi que le Libyen Haftar. Mais pour quels faits d’armes ? Déby a, on le sait, orchestré himself une riposte récente baptisée Colère de Boma contre des jihadistes. L’homme auquel l’on reconnaît volontiers un certain courage physique-quoique sous le parapluie aérien français- avait tenu à être personnellement à la manœuvre pour être sûr du résultat. Ce qui dénote une haute idée de soi et à l’inverse le peu de considération pour ses chefs militaires. Auto-satisfait, le maréchal avait décrété que, vaccinés, les assaillants ne reviendraient plus en terre tchadienne. Fanfaronnade. Ils sont revenus. Deux fois plus qu’une.

Déby doit beaucoup à la France qui, plus d’une fois, lui a sauvé la mise, c’est-à-dire son pouvoir. Ces dernières années, l’homme s’est vu gratifier du rôle de sous-gendarme ou de supplétif de la sous-région. Les performances de son armée sont régulièrement saluées. A juste titre. Peut-être en a-t-il été grisé. Peut-être aussi est-il simplement tombé du côté où il penchait. Nous y voilà. A terre pour nous quand lui se croit aux cimes. Le maréchal Déby n’est-il pas en train de devenir pour la France de Macron ce que le maréchal-empereur Bokassa fut pour la France giscardienne? Bien plus important encore, le malheureux peuple tchadien ne méritait-il pas autre chose?

T.B.  

Hommage à une légende, Med Hondo

Adieu Med Hondo

J’étais encore tout petit

Quand j’ai entendu parler de toi et de ton combat.

Je ne pouvais guère imaginer, un jour, te côtoyer

 Mystérieuse existence aux multiples contorsions.

Sais-tu, toi, le lion des dunes,

Ce que m’a procuré notre inopinée rencontre ?

Maintenant que tu es parti

Je le garde pour moi.

Je ne sais point si, de là où tu es,

Tu peux pénétrer les esprits

Pour y lire des pensées

Et déceler le secret des cœurs.

J’entends parler de tout à propos de l’au-dela

Mais, ici-bas, personne ne le saura

Bien que chacun ait le droit de se faire sa propre opinion.

Il y a des âmes habitées par une indicible quête de justice.

C’est pour cela que j’avais tant d’admiration pour toi.

J’aurais aimé que, sur nos terres,

Il y ait quantité de Cheikh Anta Diop

 Félix Roland Moumié, Patrice Lumumba,

Sembene Ousmane, Mongo Beti,

Thomas Sankara, Nelson Mandela

 Et tant d’autres.

Hélas! L’Afrique mère est maculée par la félonie.

Il y a des êtres qui naissent au sein de peuples

Qui savent peu apprécier la grandeur d’une âme.

Le hasard a fait que tu es du pays des sables

Là où tout est sable.

Là où le vent emporte tout sur son passage

A chaque jour nouveau.

Pour un grand nombre de tes concitoyens

Rien ne compte en dehors de l’immédiat gain

Et peu en importe la manière.

J’ai vu, pour une dernière fois, ton visage

Et il m’a semblé y avoir distingué une grosse balafre.

Est-ce une illusion

Ou un réel stigmate laissé par ton refus de l’injustice

Que seuls savent déceler ceux qui connaissent l’étendue de ta révolte.

Certains peuples sont peu sensibles à l’injustice

Et sont comme anesthésiés,

Leur seuil de tolérance face à l’épouvantable est si élevé

Qu’il tourmente ceux habités par la quête de l’équité.

Vouloir changer le destin collectif,

Dans ce contexte, devient éprouvant.

Il n’y point de Martin Luther King sans compagnons de lutte.

Mais comme on ne choisit point sa nature,

Il te fallait porter le fardeau de la solitude et de l’amertume.

Celui qui croît au bien commun agit simplement

Dans le but d’accomplir son devoir

Et ne s’attend guère à une récompense

Seul compte l’accord avec soi.

Ainsi, tu as vécu comme tu en avais envie.

Tu laisses, sans y avoir peut-être pensé,

Derrière toi, des frères et sœurs d’âmes

Un jour ton continent t’élèvera.

Ce n’est qu’une question de génération

Le temps viendra où l’Afrique célébrera ses héros.

Va donc, mon grand frère, en paix 

Et délecte-toi de ton repos mérité

Oumar Diagne, écrivain

Dr Cheikh Tidiane Gadio sur ADN : « Le monde va changer et nous allons le changer… »

Dans un entretien exceptionnel, Dr Cheikh Tidiane Gadio président de l’ Institut Panafricain de Stratégies (IPS) partage avec nous l’idée qu’il se fait du panafricanisme en revenant sur l’historique de cette idéologie, de ses victoires ainsi que ses échecs. Fustigeant ce qu’il nomme les chevauchées individuelles qui mènent à l’échec collectif, l’ancien chef de la diplomatie sénégalaise (2000-2009) a exposé ce qui devrait sous-tendre une diplomatie africaine forte au service du continent.

Dr Gadio qui se félicite de la réactivité des pays africains de façon générale dans la lutte contre la COVID-19, regrette par ailleurs l’absence de mutualisation des compétences et des expertises africaines pour apporter des solutions panafricaines.
En panafricaniste convaincu, Dr Gadio et ses équipes à l’IPS travaillent déjà sur des analyses et réflexions sur l’après COVID-19, en proposant entre autres, la création de grands centres d’excellence au plan sanitaire ou à la création de pôles de spécialisations régionales.

Pour ce qui est de la jeunesse africaine, Dr Cheikh Tidiane Gadio note une forme de rupture entre une population jeune et des dirigeants politiques beaucoup plus âgés. Il rappelle aux gouvernants africains qu’invités ou pas dans le débat, les jeunes africains sont au cœur du débat…Tout en exhortant les décideurs politiques à ne pas se couper de 70% de la jeune population, Dr Gadio demande aux jeunes d’occuper l’espace politique. Il invite les jeunes décomplexés de croire en l’Afrique, en sa renaissance et surtout aux États-Unis d’Afrique.

Dr Cheikh Tidiane Gadio a profité de cet entretien pour revenir sur les crises qui l’ont marqué sur le continent. Il est revenu sur la crise ivoirienne ainsi que sur les six mois de négociations pour trouver une solution à la crise mauritanienne suite au coup d’état de Mohamed Ould Abdel Aziz contre le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi.

Diallo Saidou Dit Thierno , pour ADN

Médecine « bienveillante » et retour de la raison coloniale

Il est des temps exceptionnels qui rendent possible la libération de racismes faussement habillés de bienveillance. Quand arrivent ces temps, les digues de la décence et de la retenue entretenues par les règles implicites et explicites de la vie en communauté se fissurent par endroits, laissant suinter la boue et les excréments. 2 avril 2020, le Covid-19 continue d’arracher des vies, et alors que le monde est frappé de stupeur, des effluves pestilentiels remontent à la surface :Jean-Paul Mira, chef du service de réanimation de l’hôpital Cochin, propose sur le mode interrogatif de tester un vaccin en Afrique « où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation. Un peu comme c’est fait d’ailleurs pour certaines études sur le sida…». Camille Locht, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale acquiesce: « Vous avez raison, on est d’ailleurs en train de réfléchir à une étude en parallèle en Afrique ».Bienveillance ? Non,déchets, ignorance et arrogance rassemblés dans l’esprit et les mots d’hommes de science. Une surprise ? Une nouveauté ? Non, pas pour les Africains qui ont appris dans la douleur que le statut d’homme de science (souvent ce mâle de type caucasien prétendant tout savoir) ou d’homme éclairé n’est en rien synonyme d’intelligence sociale, encore moins d’humanité, de générosité, de respect et de bienveillance. 

Depuis que des hommes éclairés ont prétendu avoir « découvert » un continent exotique abritant d’innombrables richesses et des peuples barbares aux mœurs étranges, depuis que d’autres hommes éclairés ont prétendu dire cet ailleurs à la place des gens qui y vivent, qu’ils ont dans le même geste légitimé l’esclavage et la colonisation, l’Afrique est devenue le lieu de tous les fantasmes et projections lugubres. Même lorsque le regard se tourne vers quelques figures progressistes, il finit par se heurter à une condescendance, un paternalisme et des appétits prédateurs. N’est-ce pas par exemple Victor Hugo, anti-esclavagiste répondant à un Victor Schœlcher pressé de « porter la lumière à des populations encore dans l’enfance » qui s’exclamera : « Allez, Peuples ! Emparez-vous de cette terre (…). Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la » ? N’est-ce pas Jules Ferry, artisan de loi portant sur l’instruction obligatoire, laïque et gratuite qui soutiendra en 1885 devant des députés français, dont beaucoup ont été désarçonnés, « qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles de civiliser les races inférieures », et  de conclure avec assurance : « est-ce que vous pouvez nier qu’il y a plus de justice, plus d’ordre matériel et moral, plus d’équité, plus de vertus sociales dans l’Afrique du Nord depuis que la France a fait sa conquête ? ». Les exemples sont légion, et il serait malvenu de justifier pareils propos en les adossant à leur contexte et à leur temps. 

Ce n’est donc pas par pur hasard que des médecins occidentaux, en ce XXIsiècle, jugent intelligent de  sauver l’Afrique en lui « proposant» de tester des vaccins sur ses gens. Bien au contraire. C’est non seulement parce que subsistent dans les mémoires des traces d’une idéologie raciste (même celle qui s’ignore), mais aussi parce que l’Afrique a longtemps été le terrain privilégié de la médecine coloniale et de ses expériences. Associée à l’anthropologie physique qui a conduit à des dérives macabres, cette médecine, quoi qu’en disent ses défenseurs (ils sont nombreux), a semé la désolation et la mort en Afrique. Il en est ainsi du vaccin contre trypanosomiase humaine ou maladie du sommeil. Dans Le médicament qui devait sauver l’Afrique, pour ne citer que les rares travaux en langue française, Guillaume Lachenal revient sur la découverte de ce vaccin et son administration aux populations africaines. « Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Lomidine est découverte. Dans l’enthousiasme, de grandes campagnes de ‘lomidinisation préventive’ sont organisées dans toute l’Afrique. La molécule se révèle inefficace et dangereuse, mais ceci ne freine pas les médecins ». Cet acharnement s’expliquait non seulement par des considérations économiques, à savoir l’entretien de la force de travail et de production des colonies, mais aussi par le souci qui était celui des médecins de ne pas faire reposer le coût élevé des pertes humaines liées à l’administration du vaccin sur les Européens, en particulier ceux qui étaient installés en Afrique et qui n’ont jamais été vaccinés.

On sait aujourd’hui que la Lomidine n’a pas été la seule tueuse d’Africains. De nombreuses campagnes de vaccination censées prévenir ou lutter contre des maladies comme la bilharziose, la syphilis, le pian…ont aussi, paradoxalement, engendré la propagation rapide de d’infections meurtrières. Ce fut par exemple le cas de l’hépatite C au Cameroun, en République centrafricaine ou en Egypte, et dont des recherches ont montré qu’elle s’était généralisée du fait d’une entreprise massive et forcée de vaccination (« Quand la médecine coloniale laisse des traces », Les Tribunes de la santé, 2011). On ne peut donc que se réjouir que les Africains, conscients de ce que des générations de malades et de vies perdues doivent aux entêtements d’apprentis sorciers soutenus par des politiques scélérates, se mobilisent aujourd’hui pour dénoncer d’une seule voix, y compris par les voies légales, la médecine raciale « bienveillante » et la raison coloniale. 

Sidi N’Diaye, Politiste, pour ADN

PORTRAIT : Prince Bafouolo, parcours atypique d’un autodidacte

Prince Bafouolo est un passionné de journalisme. Il est entré dans la profession un peu par hasard. Mais son parcours force l’admiration. En 16 ans, il n’a pas démérité. Portrait d’un autodidacte qui s’affirme sans complexe.

Nous lui avons donné rendez-vous dans un café de Strasbourg Saint Dénis dans le 10e arrondissement de Paris. Le style décontracté, Prince Bafouolo nous parle d’emblée de son amour pour l’Afrique, et de la nécessité de rendre l’ascenseur à ce continent qui l’a vu naître. « Autant nous devons respecter les lois de la France notre pays d’accueil et contribuer à son développement, autant nous avons tout intérêt à ne pas oublier d’où nous venons » lance-t-il. Hémicycles d’Afrique, le site qu’il a créé pour mettre en lumière l’actualité des parlements et des conseils municipaux d’Afrique s’inscrit sans doute dans cette optique. « En Afrique beaucoup de gens ne savent pas faire la différence entre un projet et une proposition de loi par exemple. Y compris certains candidats aux élections législatives. J’ai créé ce média pour permettre aux populations de s’approprier ces institutions » affirme-t-il.  Parallèlement à la gestion de son site, il travaille comme chroniqueur pour l’émission Couleurs tropicales de Radio France Internationale. Une consécration pour ce jeune garçon qui n’était pas prédestiné à faire ce métier qu’il a appris sur le tas.

Journaliste, contre la volonté de sa famille

Prince Bafouolo est l’unique garçon et benjamin de sa famille. Né à Pointe-Noire au Congo en 1981, il grandit aux côtés de sa famille dans la capitale économique du Congo. Après son baccalauréat en comptabilité gestion obtenu au lycée technique et commercial Bizi, il s’installe à Brazzaville la capitale, et s’inscrit à la faculté de droit de l’université Marien N’gouabi. « Je ne suis resté qu’une année. J’étais très embêté par la pléthore des étudiants dans l’amphi. Les cours n’étaient pas réguliers. Les conditions d’études me démotivaient ». Sa famille décide de l’envoyer au Canada où réside sa sœur aînée, afin de poursuivre ses études de droit pour devenir avocat. Pour se faire, il doit passer par le Bénin afin de préparer ce voyage. Malheureusement, la procédure n’aboutira jamais. Tous les soirs, il écoute l’émission Africa Song présentée par Robert Brazza sur Africa N 1. « Cela m’a donné envie de faire de la radio. J’ai tenté en vain de décrocher un stage ou un temps d’antenne sans succès. C’est neuf (9) mois après que l’on m’a proposé un stage d’un mois dans une rédaction ». Il découvre alors ce qui deviendra sa passion et sa profession. Un mois plus tard, il décide de suivre des modules de formation en animation, reportage radio et déontologie du journalisme au sein de Radio Ecole APM, un centre de formation membre de la Fédérations des Radios Communautaires et Assimilés du Bénin (FerCAB). Sa famille s’oppose. Déterminé, il sacrifie son argent de poche mensuel pour payer sa formation. Suite à cette formation il signe son premier contrat en juin 2005. Le jeune journaliste affûte ses armes.

Travailler dur pour s’affirmer

Rentré au Congo en 2006 il enchaine stages et collaborations à titre bénévole : DVS+, DRTV, Le Nouvel Observateur, La Rue Meurt, Le Trottoir. « Je voulais me familiariser avec les médias et les journalistes congolais » confie-t-il. En 2009, il intègre le groupe de presse MNCOM qui détient MN Radio et MN TV. Il est nommé rédacteur en chef et présente la grande édition du journal. En 2010, il est 3e prix de meilleur reportage radio lors du Prix Média Espoir et en 2011 il est sacré meilleur reportage télévision du Congo par Les Oscars de la presse Congolaise. « Je ne m’attendais pas à tout ça, je voulais simplement faire mon métier. Que cela ait été récompensé, c’est tant mieux ». Parallèlement, il travaille pour le magazine « Le Métropolis ». En 2012, il est sélectionné avec neuf (9) autres journalistes africains par CFI Médias pour couvrir le sommet de la terre (Rio+20) à Rio de Janeiro, au Brésil. En novembre 2011, suite à plusieurs malentendus avec sa hiérarchie, il démissionne de MNTV et se retire du monde de la presse. Il décide de se lancer dans la communication. En Janvier 2012, il travaille pour l’agence « Nathos communication » spécialisée dans la communication politique et collabore agence Clockers. Mais sa passion pour les médias va très vite le rattraper. Deux ans après, il signe avec Africa 24 comme correspondant au Congo. En même temps, il collabore avec l’agence turque Anadolu et le site d’informations Afrique Actualité basé en France. En 2016, il s’installe en France et lance le 1er avril 2018 le site d’informations Hémicycles d’Afrique, premier média spécialisé dans l’actualité des parlements et conseils municipaux d’Afrique. C’est notamment grâce à cette initiative qu’il est contacté par Couleurs Tropicales, pour faire découvrir aux auditeurs des lois votés dans les parlements africains. « J’ai commencé le journalisme sans diplôme. Certains me sous-estimaient. D’autres ne croyaient pas en moi. Y compris dans ma famille. Ce n’était pas évident de s’affirmer. Il a fallu croire en moi et travailler dur pour montrer de quoi j’étais capable. Aujourd’hui, Passé sur RFI est une consécration ». Conclut-il.

Pour suivre son site: https://hemicyclesdafrique.com/

ADN, La Plume d’Ishango